The Doors
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Forum RPG privé où des intrépides, parfois malgré eux, trouvent des portes menant à d'autres lieux voire d'autres époques,
 
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 Qu'on lui coupe la tête...

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Dave Clayton
Henry Warrington
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Henry Warrington

Henry Warrington


Messages : 11
Date d'inscription : 03/02/2016

Qu'on lui coupe la tête...  Empty
MessageSujet: Qu'on lui coupe la tête...    Qu'on lui coupe la tête...  EmptyDim 24 Avr - 19:39

Intérieurement, Henry jubilait. Comment n’en aurait-il pas éprouvé ce sentiment ? Tout baignait !! Son invention vivait !! Bon, peut-être pas exactement comme il l’avait désiré, mais on voyageait dans le temps et l’espace pour de vrai. Henry avait ses manies dont celle de noter absolument tout s’il ne pouvait l’enregistrer. La 1ère glisse l’avait pris, comme les autres, au dépourvu et il s’était retrouvé perdu sans quasi rien à Hawaii du 18ème siècle. Les choses s’arrangèrent, ou presque…
Le Titanic !!
Inimaginable, et pourtant ! Paquebot mythique de triste renommée. Là, une chance incroyable leur était offerte, une chance aussi énorme que ce paquebot gigantesque sur lequel, après bien des petits aléas, ils embarquèrent.  Mon Dieu ce qu’il avait été ému et troublé. Et pas que par la visite de leurs quartiers de 1ère classe. Non ! Ce qui l’avait le plus remué était d’avoir passé une alliance au fin annulaire de Louise.  L’idée venait des jeunes : se faire passer pour 3 couples de richards en goguette.  Qui disait couple voulait dire mariage et mariage impliquait bague…  Il n’y eut pas de cérémonie officielle, juste des papiers dument remplis grâce à des paroles de gentlemen, générosités à la clé. Mais Louise était si…  

Entrer dans la peau d’un pédant ne fut pas donné pour Henry qui craignait de dépareiller avec ses manières un peu ours mal léché. Cependant, à bord, même le gratin s’agrémentait de farfelus dans divers domaines. Artistes – peintres, sculpteurs, etc. – sportifs, journalistes, hommes et femmes d’affaires s’y côtoyaient sans trop se soucier des uns et des autres ce qui faisait parfaitement l’affaire des 6 recrues accidentelles.  Puis les habits aidant à se fondre dans la masse, ils y parvinrent sans trop de difficulté sauf que les filles se mirent en tête de sauver tout le monde. Les risques de fractures temporelles turlupinaient Warrington car il ne disposait d’aucun moyen de vérifier si leur propre destinée allait ou non être altérée.  Il restait persuadé que non. Le temps, comme la nature, trouve toujours un moyen de remettre les choses en l’état. Que le Titanic coule ou pas modifierait la donne pour de très nombreuses personnes mais pas pour eux, ni chez eux.  La preuve leur vint avec l’apparition de la tablette numérique expédiée par Majors :

*J’adore ce garçon !!*

Bien sûr, l’engin ne fit que les relier à leur ligne d’origine sans autre manœuvre possible mais cette communication permit à Warrington de converser avec Johnny, de guider celui-ci dans les bonnes manipulations à effectuer afin de recharger le boîtier de voyage. Combien de temps cela prendrait-il ? Bonne question.  
Malgré la foule des questions se posant, le groupe put se régaler des commodités du must organisé pour les privilégiés.  Ainsi Dave eut l’idée de réveiller ses amis masculins pour les « inviter » à aller… nager.

Tu es fou, mon garçon. On va nager bien assez tôt si on ne freine pas cette boîte de conserve !  

Il n’était que 6h du matin mais les employés furent aussi diligents que possible.  Les trois hommes purent ainsi jouir seuls de la piscine de 10 mètres sur 4,3 rien que pour une bagatelle de cents.  
Ses compagnons étaient de vrais gosses qui se défoulèrent avec un ballon. Henry, dans son maillot à bretelles se ficha de son bedon et fit des brasses, la seule nage qu’il connût. Revigorés moins d’une heure plus tard, ils purent accompagner les dames au restaurant du petit-déjeuner. Là, entre pains chocolatés, thé, café et toasts avec omelette, ne voilà-t-il pas que Mrs. Lescot piquait une crise juste comme le commandant Smith en personne les saluait ?

*Cette Toni est folle ???* se récria intérieurement Henry face aux assertions débitées en mode transe.  

Les propos tenus avaient de quoi faire frémir. Avec la précision d’un navigateur chevronné, la miss donna position et heure du futur naufrage. Et, pour la discrétion, ce fut raté car le Commandant ne fut pas le seul à profiter des délires de la « voyante » !  Un faux évanouissement compléta le tableau.

Génial ! grommela Henry assez contrarié en se sentant contraint de rentrer en cabine. Pas ce soir que nous dînerons à la table de Smith. Qu’est-ce qui vous a pris, Miss Fischer ?... ah ?...

L’idée de Toni était simple : forcer un peu les événements en lançant une rumeur dérangeante.
Pas idiot du tout, mais…

Au regard à la tablette reçue, il apparut que Majors ne percevait aucune modification dans sa vie de tous les jours. Déjà cela. En tout cas, il félicita Toni, plus pour sa mémoire remarquable que pour son idée.  
On déjeuna en cabine quoique, un peu frondeur à ses heures, Henry décidât de braver l’interdit informulé en allant se balader pendant que les autres faisaient la causette ou la sieste.  
Aucun garde à leur porte, pour le moment du moins.  
Après tout, ce bâtiment était historique, pourquoi ne pas mieux le visiter surtout s’il devait devenir leur dernière demeure avant le linceul de l’océan ?
Amusant ce rôle si contraire à ses habitudes. On le salua très courtoisement sur le pont où il ouvrit grand les oreilles.

*Tiens, tiens…*

Manifestement, on faisait grand cas du débarquement précipité de Mrs. Astor. Le tamtam fonctionnait très bien, certains matelots avaient même diffusé la prédiction à terre.
Ce qui frappa le plus Henry, hormis les installations grandioses, furent diverses conversations perçues d’un pont à l’autre dans lesquelles des lettrés commentaient un roman de Robertson où un navire très semblable au Titanic et – comme par hasard, appelé le Titan – sombrait en heurtant un iceberg…  
De-ci de-là, il devint irrésistible d’alimenter les frayeurs en se mêlant à ces gens et leur glisser des « choses » sur les prophéties, la divination, etc.

… Oui, je l’ai lu… les ressemblances sont extraordinaires… la taille, les installations, le tonnage…  

Par sécurité, il ajouta de l’huile :

… Un illuminé pourrait prendre exemple pour rendre le roman plus crédible encore et, qui sait, en augmenter les ventes… un sabotage peut-être… ? … d’autant qu’il n’y a pas assez de canots, il suffit de compter… Vous ne l’avez pas fait ??? Je commencerais à votre place. Bonne journée !

Cela suffirait-il ? On verrait.
Quoiqu’il en soit, après avoir marché des kilomètres – chose non pratiquée depuis des lustres – Henry crevé réintégra sa suite. L’heure du thé approchait ainsi qu’une convocation en haut-lieu pour Toni.

S’ils veulent ta tête, ils en auront six à couper !  

On y alla en force. L’état-major au complet les dévisageait sans aménité mais le plus remonté était sans conteste le commandant. Miss Fischer ne s’en laissa pas conter et refusa le démenti proposé. Sur ce, il va sans dire qu’on les considéra comme persona non grata avec garde à la porte après avoir fouillé leur suite sans trop rien déranger. Martin ayant flairé ces intrigues, la précieuse tablette était sauve.  On papota un peu puis dodo, les hommes d’un côté, les dames de l’autre. Les suites communiquaient et ce fut Dave qui, de très bon matin, entrebâillant leur propre porte, remarqua les failles dans leur garde rapprochée.

… Profitons-en, messieurs ! Faufilons-nous dehors et accentuons les rumeurs. Ce serait bien si l’un de vous se rendait au service des communications. Il me semble nécessaire de prévenir les autres navires, non ? … parce que cet entêté de Smith ne cèdera pas ! Si l’autre de vous deux pouvait descendre en salle des machines… Mais non ! Pas pour saboter, pour alimenter les craintes voyons !  Nous n’allons pas risquer de couler plus tôt que prévu !

Dave lui demanda ce qu’il comptait faire, lui.  

… Moi ? Une belle promenade. Vous n’imaginez pas à quel point cet endroit est fascinant mais il est hors de question que je me farcisse tous ces étages. On se retrouve pour le petit-déjeuner. Bonne chasse !  

Mains derrière le dos, bien au chaud dans son tweed épais, une casquette sur le crâne, Henri arpenta  à nouveau les coursives. De très rares voyageurs goûtaient le spectacle du jour naissant. La plupart ayant nocé tardivement dans les salons…
Un steward, apparemment pas au courant de la suspicion dont le groupe faisait l’objet, ou le feignant, se montra diligent à le renseigner. Nonchalamment, Henry se dirigea vers la cabine indiquée à laquelle il tambourina :

Mr. Watts, pardon de vous déranger à une heure pareille. Me permettrez-vous… ?

Un peu plus tard, Henry se frottait les mains. Nell serait contente. Lui, il l’était d’avoir convaincu le bonhomme de se tenir prêt.  
Plusieurs visites similaires s’effectuèrent, et quand Henry, flanqué des garçons, escorta les dames au restaurant, il ne dévoila pas ses machinations, pas plus que Dave ou Martin, du moins ouvertement.
Vint ensuite l’intervention de deux dames patronnesses : Molly Brown et Mrs Candee. Fouineuse mais éclairées, elles désirèrent tout savoir sans se soucier du frein des chiens de sécurité.
Elles surent. Une fois convaincues, rien ne les arrêterait. Stead, un journaliste réputé qui les avait accompagnées, avait verdi. Lui qui avait critiqué le livre du naufrage du Titan trouvait là matière à paniquer.

*Le paquebot entier est sous la terreur* rigola pour lui Henry.  

Mesdames, toussota-t-il après le départ du trio de visiteurs, nous pouvons sortir à notre guise. Les idiots de gardiens ne surveillent que votre porte. Je crois nécessaire de peaufiner les choses. Le bateau est au courant, pas électrique… enfin si, il est électrifié, mais vous comprenez. Nous avons semé les graines de la discorde sauf que cela ne suffira sans doute pas. Que faisons-nous si Smith ne freine pas ? J’aimerais discuter un peu avec Majors avant le dîner. Pendant ce temps, allez donc jouir des installations. Je suis certain que Dave aimerait mettre une raclée à quiconque au squash…. Mesdemoiselles, j’ai pu voir les salons de coiffure, si cela vous tente… Louise, demeurez, s’il vous plait.

Que c’était rare d’avoir une femme intelligente à ses côté ! Enfin, pour Henry, une femme tout court était déjà une première.  Celle-ci alliait les deux, donc il était de bonne humeur. Le « jeu » des questions-réponses avec Johnny commença par :

Comment vont les chats ?

Henry reçut un coup de coude amusé de la part de sa comparse car elle pressentait la vexation de son agent ainsi abordé.  Modifiant la mise, les choses s’arrangèrent pour se concentrer sur l’objectif :

Nous souhaiterions connaître la meilleure attitude à adopter par un navire face à un iceberg ?... s’il vous plait.  

Les mots de l’écran avaient de quoi tiquer :

Lui foncer droit dessus ? Vous êtes certain ? s’effara d’abord Henry avant de réfléchir.
Ce n’est pas bête, souffla-t-il à Louise ! Sauf qu’il faudra beaucoup ralentir la course…


On bavarda un peu avec le pauvre esseulé du 21ème siècle qui éprouvait des difficultés avec les équations de Warrington mais jurait de les sortir de là avant le grand plongeon.  
Le dîner fut animé, les uns et les autres commentant leurs expériences et trouvailles. À une heure avancée, ils reçurent deux visiteurs : un officier très alarmé et Mrs Brown tracassée. La conclusion fut : rien de gagné, terrible et long dimanche en perspective.  

Aller à la messe ? Pourquoi pas, surtout avec ce qui mijotait.  Smith officia lui-même l’office anglican durant lequel ils furent le point de mire de beaucoup d’anxieux.
Un petit ajout dans la foulée ? Pour ses voisins des rangs proches, Henry déclara très révérencieux :

Remettons nos âmes à Dieu et prions pour qu’Il pardonne aux sourds à la sagesse.

Les dés étaient jetés. Tous les signes dénonçaient la future catastrophe : signalements de glaces en dérive, rafraîchissement de l’atmosphère, brouillard et… le bateau ne freinait toujours pas.

Aucun ne chôma ensuite. Des directives étaient données, des pots-de-vin allongés. Selon Dave les machinistes étaient prêts à outrepasser les ordres directs des fidèles à Smith, fidèles de moins en moins nombreux.  Les officiers sensés parés à distribuer les gilets soigneusement alignés assuraient qu’une évacuation se passerait en bon ordre.  
On croisa les doigts jusqu’à 22h57. Il ne restait que 40 minutes pour renverser la vapeur.  Plan B : action directe. Tous à son poste, branle-bas de combat et sus au poste de commandement.  

COMMENT OSEZ-VOUS vous introduire ici ? Abandonnez le pont...TOUS!!! C'EST UN ORDRE!!!

Molly ne s’en laissa pas conter et remit Smith en place.  
Navré, Henry en tant que senior osa :

Nous n’attendons qu’un ordre de VOTRE part afin de VOUS respecter Commandant.  Vous, Mr. Wilde, vous avez intérêt à révéler où vous avez planqué la clé des téléphones et expliquer aux veilleurs où ils vont trouver leurs foutues jumelles.


La rumeur avait porté ses fruits, la pagaille régnait et les émeutes gagnaient du terrain.  Malgré les efforts des uns et des autres, rien ne fléchit Smith. Avec horreur, henry vit sa chère Louise brandir son arme contre la nuque du Commandant :

ARRÊTEZ LES MACHINES!!!  

*Diablesse de femme !* pensa brièvement Warrington admiratif.  

Au même moment une cloche furieuse tinta tandis que par le tube acoustique on hurla :

ICEBERG DROIT DEVANT !!!  

Ne déviez pas, cria Henry. Machine arrière et droit dessus !  C’est de la physique élémentaire. On va morfler mais pas trop si vous obéissez à ... ma femme.

On fut ébranlé.

Vous en faites pas Smith. Tout est paré aux manœuvres d’évacuation.

Il… Il est insubmersible, je l’ai toujours dit, balbutia l’effondré de service.

Imaginez qu’on ait encaissé une déchirure latérale, vous pigerez mieux à quoi on échappe.

Dans un froid à givrer sur place, en bon ordre cette fois, les canots furent descendus avec charge en passagers maximale. Douce Louise qui, lorsque henry la poussa vers l’embarcation refusa d’y monter :

Non, Henry, inutile d’insister, je ne vais nulle part...pas sans toi...  

Paf, n’osant pas croire avoir réellement entendu ces mots si doux, le cœur d’Henry se réchauffa grandement.  On évacua sur le Carpathia après avoir aidé bien des gens sur un bord et sur l’autre.
Courir à gauche et droite, réconforter, donner couvertures, boissons chaudes occupa assez les esprits. Tiens, des remerciements virent agrémenter ce trajet vers la grosse pomme. On se souvenait de la prophétie de Toni. Miss Liberty les salua. Un bref instant, Henry se revit jeune arrivant sur ces quais…  

…tu as réussi, Henry Warrington...tu es un génie...

Le génie supposé n’eut pas le temps de répondre, tout bascula.

La chute fut rude, tous les uns sur les autres se retrouvèrent sur de la terre battue dans l’obscurité totale.

Louise ? Louise, vous allez bien ?

Cela jurait autour d’un Warrington à la fois inquiet et furieux.
Tout le monde se plaignait diversement mais rien de dramatique.

Où diable sommes-nous cette fois ? Quelqu’un pourrait allumer la lumière, on n’y voit goutte.


Un des garçons battit le briquet. Dans la faible lueur vacillante, le décor n’avait rien de reluisant.
Sans équivoque possible, il s’agissait d’une cave. Sous des voûtes assez basses contre lesquels se heurtèrent plusieurs crânes, sauf celui de Miss Watts, s’alignaient des rangées de tonnelets et des cageots de pommes ainsi que des sacs de toiles.  Le briquet promené dans cet espace sentant la vinasse et le moisi révéla des dates estampillées sur les barriques :

Doux Jésus, s’étrangla Henry. 1789, du bourgogne ! Un nécrovinophile de notre époque serait enchanté de posséder de tels trésors mais, vu les lieux, je crains que nous ne soyons bien aux alentours de cette date… oui Dave, à la révolution française.  

Malgré l’émoi, on vérifia d’abord la tablette heureusement rechargée à bloc avant le naufrage.
Dans le bunker de Cambridge, Johnny Majors s’arrachait les cheveux. Pourquoi le groupe n’avait-il pas reparu ? Il était certain d’avoir convenablement paramétré les engins mais…
L’ordi permettant la communication eut le bonheur de s’allumer. Ils allaient bien mais pensaient se trouver quelque part vers 1789.  
Le génie de Johnny ne s’était pas contenté d’observer ses amis de loin. Il pouvait maintenant grâce à des bidouillages, les localiser très précisément.

Patientez s’il vous plait, je fais le point.  

Attendre dans un tel trou ne fut pas du goût de tous. Henry ne put résister à la tentation de tâter aux tonneaux. Des timbales s’emplirent et se dégustèrent :

Pas mauvais. Qu’en pensez-vous ?

On se servit par curiosité. Mais… Un grincement d’huis surprenant fit s’en arroser plus d’un du fond des gobelets. Vite, relever la tête, éteindre la tablette et retenir son souffle. En chantonnant, quelqu’un descendait à la cave. La silhouette massive d’un homme portant une chandelle se découpa sur les murs.

On est faits comme des rats, murmura Henry à Louise dont il prit la main.  

Cré vin Diou, que foutez-vous ici ? s’exclama le bonhomme en les découvrant agglutinés au centre de l’allée entre les rayonnages.  

Il marqua une fraction d’hésitation dans sa descente puis remonta les marches en courant. Nettement, les voyageurs perçurent le bruit d’un verrou.  

Il n’y avait qu’une issue : un soupirail par lequel on déchargeait les fournitures. Il semblait bouclé, puis le temps manquait d’essayer de fuir hélas.
Louise chercha son arme.

Non, très chère, pas de suite. Si nous marquons de l’hostilité à ceux qui ne tarderont pas à venir, ils risquent de mal le prendre. Tant que nous ignorons leurs intentions, soyons courtois.  

On émit quelques hypothèses pour justifier leur présence mais aucune ne semblait valable dans ces circonstances.  
Attendre et voir… Peu après, trois hommes armés de gourdins et de pistolet parurent. Pas besoin de grands mots, les gestes étaient assez éloquents : on voulait qu’ils montent.  Un cortège assez triste mais la tête haute se forma. Au passage d’un corridor, Henry remarqua ameublement, candélabres et portraits.

*Hum… le propriétaire n’est pas sans le sou… au moins on n’est pas dans un bouge… un hôtel particulier… *

L’homme au pistolet portant livrée et perruque, tout concordait : des grands bourgeois.  
Arrivés devant une haute double-porte aux moulures dorées, le valet les fit passer un à un dans une vaste pièce assez richement décorée où un comité d’accueil se dressa à leur entrée.

Messieurs, mesdames, les toisa un individu en robe d’ecclésiastique. Pouvons-nous vous demander ce que vous faites ici ?

Ce sont des espions, regardez leur mise ! cracha un gars plus petit très énervé.

Du calme Pierre, le tempéra un troisième homme à l’allure aristocratique. Le cas est peu banal, je le reconnais. Ces habits sont… étranges… très étranges…

Il s’approchait jusqu’à les respirer. Raides, aucun ne bougea. Puis Henry soupira :

Mille excuses Monsieur… nous ne  sommes là que par le plus pur des hasards. En fait, nous sortions d’une soirée un peu arrosée. J’ai glissé et me suis retrouvé chez vous. Mes compagnons ont tenté de me sortir de ce trou mais sont tombés à leur tour…


Hum, fit l’autre en reniflant. Pour avinés, cela ne fait aucun doute mais, ces accoutrements, dites-moi… ?

*Plonge Henry… c’est pas pire que l’océan de tantôt…*

Il toussota, l’air embarrassé, puis bomba le torse :

Je suis Sir Henry Warrington. Mon seul titre malheureusement.  Me piquant de théâtre d’avant-garde, j’ai organisé un concours du plus beau déguisement du futur. Vous en voyez le résultat. Mes compagnons et moi-même avons gagné le prix que nous avons célébré dignement. Aussi, permettez-moi de vous présenter mon épouse Lady Louise, nos amis Martin Lescot – un médecin hors pair, son épouse Antonia ainsi que…

Eh merde, où étaient Dave et Nell ?

Ainsi que… ? demanda le suspicieux.

Que… que… nos plus profonds regrets d’avoir troublé votre soirée, non sans vous exprimer notre profonde gratitude de nous avoir sortis ce mauvais pas… Pouvons-nous disposer ?...

La sauce prendrait… ou pas ?
L’ecclésiastique fronçait les sourcils, le petit nerveux semblait prêt à bondir. Leur hôte se concentra :

Mesdames, messieurs, je ne désire que de vous croire mais je me vois dans l’obligation de vous retenir quelque peu encore. Je vous prie donc de suivre Gaston qui vous conduira au petit salon où des rafraîchissements vous seront servis. A tout à l’heure, Sir, Milady…

Joseph, c’est folie de conserver ces gens ici, rugit Pierre-Jean de Bourcet dès la porte refermée. Je ne crois pas un mot de ce qu’ils narrent. Ce sont des espions !  

Et que devrions-nous en faire selon vous, Pierre ? se croisa les mains l’évêque incognito. Les trucider ? Les livrer comme des coupe-jarrets ? De la cave, il serait très étonnant qu’ils aient surpris la moindre bribe de ce que tramons…

Et puis réfléchissez, Pierre ! compléta Joseph. Avez-vous vu leur dégaine ? Depuis quand les espions se déplacent-ils en groupe avec leurs femmes, dans des vêtements aussi ridicules ?  

Pour mieux donner le change, pardi !  Si on les laisse filer, on se fera arrêter dans l’heure suivante !  

Dans le petit salon – pas si petit que cela- cela discuta ferme aussi. Certes, coupe de fruits et vins capiteux agrémentaient leur réclusion mais angoissante restait la situation.  

Ils ne nous ont pas fouillés, maintint Henry. Ils nous croient, j’en suis sûr… D’ailleurs, nous ne sommes même pas sous clés… Non, Louise, on ne part pas de suite. S’ils tentent de nous descendre, vous avez de quoi nous défendre, et j’en suis ravi… Oui, Toni, je m’inquiète pour eux, et je n’ai aucune idée de ce qu’ils fabriquent…

La porte s’ouvrit à la volée sur un couple connu avec un air passablement égarés. Ils semblaient énervés et résumèrent leurs aventures à la vitesse express. Le mot d’ordre était de vider les lieux au plus tôt. Leur communication avec Majors confirmait date et endroit. Tous étaient sidérés. Des décisions s’imposaient…
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Dave Clayton
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Dave Clayton


Messages : 29
Date d'inscription : 01/02/2016

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MessageSujet: Re: Qu'on lui coupe la tête...    Qu'on lui coupe la tête...  EmptyLun 25 Avr - 20:56

L’imagination l’avait mené très loin, il lui devait gloire et fortune !  De la chance ? Oui, on pouvait le dire sans  trop se tromper. Dave n’était pas simplement un rêveur, le tout ne se résumait pas à inventer des histoires fantastiques, il faisait des recherches, documentait ses idées, s’entretenait avec les personnes indiquées pouvant guider son idée première dans le bon sens et c’est ainsi que son chemin avait croisé celui d’Henry Warrington. Le reste est histoire !
 
*Et maintenant je suis là, à bord de ce maudit navire et si cet abruti de Majors ne se débrouille pas on va se noyer tous comme des rats…même pas se noyer on sera gelés bien avant…*
 
De quoi alimenter l’optimisme ! Bien entendu, il ne faisait pas état de ses doutes, craintes et autres. Pas devant Nell en tout cas. Elle qui se montrait si logique et posée en assurant n’avoir qu’une intention : sauvegarder la vie de son grand-oncle Joe.  Or, Dave savait de bonne source, Miss Watts elle-même l’ayant raconté, que ce tonton lointain s’en était tiré, avec une pneumonie mais tiré enfin.
 
*Et à cause du tonton…on y passe… j’aurais dû refuser monter à bord de ce rafiot !*
 
Bon, traiter le Titanic de rafiot était aller un peu trop loin mais Dave ne se sentait pas d’humour pour les subtilités. Mais enfin, il y avait aussi le côté aimable de la situation. Oui, on peut le dire ainsi. Le fait est que Dave, l’indomptable, l’inaccessible, celui que toutes les filles voulaient mais ne parvenaient pas à avoir avait ressenti un profond « je ne sais quoi » en se « mariant » avec Nell pour les bons effets de la bienséance et morale du temps en cours. Et contrairement à son habitude, l’idée  d’être marié ne lui provoqua pas de panique, angoisse ou troubles  intestinaux. Une première. Il était heureux, ce qui est plus. Satisfait, comblé, ravi…mais quand même légèrement interdit d’être si inopinément complaisant avec une situation qui lui avait toujours fait horreur.
 
*Sois pas con, mon pote, ce n’est qu’une mise en scène…te fais pas un roman…Nell ne voudrait jamais de toi …*

Quoiqu'il en soit, Miss Watts semblait beaucoup s'amuser avec la situation et lui suivait le mouvement sans s'en plaindre. Après le fameux coup de théâtre de Toni, va sans dire que rester confinés dans leur suite si luxueuse et confortable leur sembla une bonne idée, se doutant, sans se tromper, que leur présence parmi les autres passagers ne serait pas trop bien perçue...surtout de la part du grand manitou à bord, le capitaine Smith.

On fait pas de foin on reste sagement là et on attend...non, Nell je ne suis pas commode, suis pratique...on n'est que six, que pourrions nous contre Smith, l'équipage et les autres à qui on a fichu la trouille?...Mais qui sait, il y en aura peut-être quelques uns...

Et il en eut, Dieu merci! Et pas des moindres. Margaret Brown prit la tête du nouveau mouvement, exigeant d'être mise au parfum. Ce fut fait. La tablette numérique livra ses secrets, ce qui rompit efficacement toute suspicion qui put demeurer.

Tu vois, je t'avais dit...il y en a toujours qui se rangent du côté des avis dérangeants!

En fait, il y en avait pas mal qui n'agréaient pas l'idée de se trouver involucrés dans un naufrage qu'on pourrait éviter. Les prédictions de Lady Lescot ayant fait le tour du bateau. On ne parlait que de ça, aux salles des machines, dans les corridors, dans les salles, sur tous les ponts, et sans doute aussi au pont de commandement.
Le jeune officier qui se pointa le 13 au soir fut très clair sur le courant de dissidence. Mrs. Brown qui se présenta plus tard, fit un compte rendu des alliés ralliant leur cause. On allait faire front et Smith n'avait qu'à s'en tenir.

Mais le 14 Avril, pendant toute la journée le Titanic poursuivit son cours comme si rien n'était. On s'occupa alors, avec la collaboration de plusieurs membres de l'équipage, de mettre à point un plan d'évacuation ordonnée, au cas où on ne saurait vaincre à temps la réticence du capitaine.

On a beau s'échiner au compte, il n'y aura jamais assez de canots pour tout le monde...quand ça arrivera, tu vas monter dans un canot et attendre sagement qu'on vienne...ne discute pas, Nell, tu y monteras de gré ou de force...et pardi que je le ferais, quitte à t'assommer s'il le faut...comment que non? Qu'est ce que tu racontes?...Voyons, Nell Watts...me dis pas que tu tiens tellement à moi comme pour vouloir te noyer en ma compagnie!?...Ah, c'est pas ça? Je me disais bien...ah, ok...tu espères que Majors réussisse à nous tirer de là à temps...oui, ma douce chérie, tu es incroyablement...pragmatique...*Et toi absolument idiot!*

À 23:40, comme prévu, la collision se produisit avec, n'empêche, une variation de dernière minute. On ne se prit pas l'iceberg sur le côté mais on y fonça droit dessus à vitesse réduite. La secousse résultante envoya Dave contre la cloison sans pour autant lâcher Nell qui resta sagement lovée dans ses bras.

Tout va bien..., assura t'il en déposant, sans y penser, un baiser sur les cheveux roux de la miss, on...a des bonnes chances de s'en sortir...pourvu que Johnny s'arrange pour nous ramener, cette fois...tu as pas envie de rentrer, toi?...Ma foi, vais pas me plaindre même si on a pas tiré grand parti de notre voyage sur le Titanic...on a pas fait la fête...pas de bal...non, je ne divague pas...ok, je la ferme...allons plutôt voir en quoi aider...

Le Titanic ne coula pas le 15 Avril 1912, pas sur cette nouvelle ligne temporelle. Majors crut néanmoins correct leur communiquer que sur LEUR ligne temporelle rien n'avait changé. Il estimait pouvoir les ramener avant qu le Carpathia qui les avait secourus n'atteigne New-York...

Et nous y voilà...Oncle Joe va bien...le reste aussi...ça te dirait le Waldorf Astoria comme point de chute en attendant la solution de Majors?...Mais que...

Pour une chute, c'en dut une plutôt rude. Dave laissa échapper un juron, et ne fut pas le seul. Où qu'ils furent c'était une véritable gueule de loup, humide, froide.

Ça sent...à vin?...Qui a le briquet?...Passe, Henry...suis là...Aouch...fais attention, c'était mon œil...

À la tenue lumière ils découvrirent leur nouveau point de chute. Décidément rien à voir avec le Waldorf Astoria! C'était une cave, pas le moindre doute là dessus.

Doux Jésus, s’étrangla Henry,1789, du bourgogne ! Un connaisseur de vins de notre époque serait enchanté de posséder de tels trésors mais, vu les lieux, je crains que nous ne soyons bien aux alentours de cette date…

HEIN!? 1789...c'est pas le temps de...c'est pas vrai...quand même pas la Révolution Française!?

Ni plus ni moins! La tablette fonctionnant à la perfection leur permit de savoir que Majors, toujours actif au 21ème siècle, faisait le point.

Il a intérêt à faire vite...l'air est plutôt vicié ici...Goûter le vin?T'en as des idées, Henry...cherchons plutôt une sortie...Ok, je goûte si tu insistes...oui, pas mal, le vin...manque encore de caractère mais ça viendra...

Ce qui venait était un bonhomme tout content, qui descendait sûrement chercher une barrique mas qui en les découvrant là, plantés comme des navets entre les tonneaux déguerpit à toute et pour mieux faire passa le verrou.

Super...enfermés...oui, il y a le soupirail, là...mais...te qu'est ce qu'on va raconter?...Coucou, bonjour...ça va? On est des inspecteurs nocturnes de caves de vin?

Time out! le bonhomme content revenait, plus content du tout, suivi de deux autres, ils avaient des gourdins et des pistolets.

*Génial...on est cuits!*

À la chiche lumière de la chandelle difficile de bien distinguer. Dave en profita, prenant Nell du bras il la poussa derrière quelques barriques et s’accroupit à ses côtés en lui faisant signe de se taire. Ils virent leurs amis quitter l'endroit escortés par les trois hommes armés. Dès que la porte du haut fut refermée, ils quittèrent leur cachette et Nell ralluma la tablette alors que Dave furetait par là.

Non, je ne joue pas les curieux...ni goûte du vin...je cherche quelque chose pour nous défendre...voilà qui fera l'affaire!, il brandit un petit maillet, c'est pas la folie mais c'est mieux que rien...des nouvelles de Johnny?

Après une courte attente, ils surent n'avoir aucune raison de se réjouir.

1791...mi-Juin...ça me dit quelque chose!...Ben oui, ça me dit, suis pas si ignorant...j'ai fait des rechercher sur l'époque pour mon deuxième livre...Oui, c'est ça...le Roi et sa famille...Oui, ma toute belle, tu as tout bon...Ils sont...Oui, aux Tuileries...encore...Oui, ma Nell...tu es une véritable encyclopédie...Ben non! Pas la joie...Et on est où?...Ah bon? Rue St. Honoré? Je parie que ça ne ressemble en rien à ce que je connais...chez qui? Sait pas...super...Bon, on peut pas rester là...allons chercher les autres...On va se faire pincer?...Le plus sûr, on les trouvera plus vite alors!

Ce plan simpliste lui valut une tape. La porte n'était pas fermée. Ils quittèrent la cave à pas de loup, pas trop étonnés de se retrouver dans un intérieur plutôt cossu...et désert. Ils vaquèrent au hasard des corridors sans croiser un chat.

Bizarre...dans une maison comme celle-ci il devrait avoir des domestiques, non?...Oui, c'est la Révolution...ça veut pas dire que tout le monde soit déjà monté à la guillotine...ça vient après, je crois...Merde, on vient!, il la tira à sa suite derrière d'épaisses tentures.

Un homme portant un plateau bien garni passa face à leur cachette et toqua à une des grandes portes qui en s'ouvrant laissa passer des voix .

C'est Henry...ils sont là et on leur apporte fruits et boissons...qu'est ce qu'il a bien pu leur raconter!?

La porte s'ouvrait de nouveau et quatre hommes en sortaient. Un petit qui gesticulait, un autre à robe ecclésiastique , un autre de noble allure et le bonhomme qui avait apporté le plateau.

Nous ne devrions pas les laisser seuls!, clamait le plus petit, énervé.

Du calme, mon bon Pierre, ils ne pourraient pas aller bien loin...pas dans cette tenue et avec la garde de nuit faisant la ronde...ils n'ont sans doute aucune envie de finir leur soirée à la Conciergerie, riposta calmement l'homme en robe.

Monseigneur a raison, ajouta M. de noble allure, laissons les réfléchir un moment, on reviendra plus tard écouter ce qu'ils ont à dire...Allons-y, on nous attend! La date approche, tout doit être à point.

Derrière leur rideau, Dave et Nell n'avaient perdu miette de l'échange, enfin Dave avait écouté sans rien comprendre mais à peine les hommes disparus au détour du couloir, Nell traduisit.

Tiens donc...sais pas toi, mais pour moi, ils ont pas l'air de révolutionnaires endurcis...plutôt de comploteurs...ben oui...Monseigneur...on ne dit pas Monseigneur au curé de la paroisse...et l'autre, le plus grand...Ouais, le petit excité est nerveux...celui du plateau est le fidèle serviteur...Tape pas, suis sérieux...ça plante le décor...faut encore savoir quelle pièce on joue!

La porte était fermée mais la clé était à la serrure. Leurs quatre amis étaient là.

Oui, oui...ça va! Non, Henry, on est restés exprès...Oui, Majors en raconte des choses...1791, mi Juin, rue St. Honoré, Paris...l'endroit rêvé par les temps qui courent...Que faire? On peut soit nous tirer au plus vite...ou, attendre ces messieurs et leur raconter une belle histoire...

Comme il était déjà habituel, on débattit. rester ne les tentait guère mais sortir en pleine nuit, pas beaucoup plus.

Il y a une garde de nuit...ils parlaient de la Conciergerie!, informa Dave en se servant un peu de vin, et pas envie d'y finir avec mes os! Qu'est ce que vous leur avez raconté?

Louise livra la version servie par Henry.

Et ils ont gobé ça!?...Bon, en effet, aucune raison de ne pas le faire...suffit de voir nos tenues pour croire n'importe quoi dans ce genre...Déguisés...et on sort d'où?...On fait du tourisme en France?...Les anglais ont de vraiment drôles d'idées...mais voilà vous étiez quatre, maintenant on est six...encore des explications...

Et ça reprenait de plus belle.

Pour moi, ça conspire gentiment!...mais non, je ne rigole pas...l'époque s'y prête plus que bien, non?...Demandons à Majors...oui, on n'a pas grand chose mais c'est mieux que rien...

Le pauvre John Majors était à un pas de l'effondrement nerveux...et physique. Il n'avait pas seulement paumé son chef et ses amis quelque part en temps et espace, il devait trouver une solution pour les ramener sains et saufs mais c'était plus difficile que voulu. Ses essais avaient eu des résultats terribles: d'abord Hawaï au 18ème siècle, puis le Titanic à la veille de son naufrage et là...en pleine Révolution Française. Et comme si c'était peu demander à son endurance, il devait prendre soin d'un chien dingue et de trois chats roublards, tout ça en essayant de survivre lui-même. Le énième demande d'information faillit le faire pleurer. Recherches à toute.

Et merde...pas la joie...Juin 1791, fuite du Roi et sa famille...rattrapés à Varennes...zut alors, manque de pot...mais quels cons...quelle organisation merdique...Un monseigneur?...Ça ne peut être que...Charles Constance César Joseph Mathieu d'Agoult...sont tombés en plein complot...et je bouffe les croquettes des chats s'ils ne me sortent pas qu'ils veulent leur filer un coup de main...Pité...ça va faire des vagues...

Transmission des infos tout en se vouant à tous les saints connus. Il savait déjà ce que feraient ces redresseurs de torts quand ils sauraient de quoi allait l'affaire.

Et on analysait les nouvelles informations à train de diable, des avis, on avait avait, pas tous concordants mais allant, Dieu merci, tous dans le même sens. Ils étaient tombés en plein dans la combine du siècle...une des pires combines qui soient, faut le dire.

Le plan de Bouillé était assez cohérent mais Choiseul l'a complétement chamboulé...et si ce n'avait été que ça...Les uns étaient en retard, les autres n'attendaient pas...c'était condamné avant même de commencer...
à mon avis, leur problème est qu'ils n'ont jamais su dissimuler qui ils étaient...Rois un jour, rois toujours...ça leur a coûté la tête...

Ils étaient pris en plein dans leur discussion que la porte s'ouvrant en douce passa inaperçue. Il fallut un raclement de gorge assez rageur pour les faire réaliser n'être plus seuls. Trois personnages s'encadraient sur le seuil.

Vous voilà donc bien occupés à discuter!, remarqua d'un ton assez âcre l'homme de noble allure, identifié grâce à Majors, comme étant le lieutenant général marquis de Bouillé, et au fait...il me semble qu'il y en aurait deux de plus!

Dave faillit soupirer, pas de sa faute mais il était plus voyant qu'un cheveu dans la soupe surtout à cette époque là. Autant improviser le plus vite possible. Se faire passer pour un lord anglais étant à la limite ridicule, il fit un pas en avant, se mit au garde à vous et se présenta.

Colonel Clayton, armée anglaise du Canada ...en mission spéciale, mon général, et cela en français assez massacré mais compréhensible, et voici ma femme...Mrs. Clayton..*Ça sonne rudement bien!...t'es mort, Dave!*

Il faut admettre que comme entrée en scène c'était un peu forcer la main, mais l'unique solution pour ce cas de figure où l'urgence prime est, sans aucun doute, l'improvisation! C'était fait, advienne que pourrait!

Et M. le Marquis de virer au vert tendre, couleur emblématique des conspirateurs mis à découvert alors qu'ils se croyaient absolument à couvert de toute échéance.

Mais...et...comment...mais ce n'est pas..., s'étrangla le brave homme en perdant contenance alors que le petit excité qui était là aussi se mettait à glapir comme un possédé.

Je vous prie de vous calmer...Nous sommes ici pour vous aider...Ma chérie, tu peux traduire sans ça on y passera la nuit!...Monseigneur d'Agoult, M. le Marquis de Bouillé,  M. de Bourcet, je sais que notre intervention est assez surprenante mais c'était la seule façon de le faire sans éveiller des soupçons...*Ma foi, tourné comme ça, j'y croirais moi même!*

Mais..., on pouvait presque entendre tourner les rouages de son cerveau, je ne vois d'aucune façon...de quoi vous voulez parler.

Nous comprenons très bien, admit Dave, patient, votre besoin de préserver envers et contre tout le secret de cette opération...

Le glapissement de Bourcet l'interrompit.

Mais cette affaire est secrète!!!

Mais si vous continuez à crier de la sorte, ce ne le sera plus pour longtemps..., profonde inspiration, plus pour s’éclaircir les idées que pour l'effet dramatique, services secrets, ça vous dit!?

Nell traduisait, impassible. Henry s'énervait, Martin semblait n'attendre que son tour pour en rajouter une couche et Toni se concentrait pour suivre le débat.
La situation était on ne peut plus irrégulière. D'un côté des conspirateurs avec un pot aux roses mis à découvert de la plus pathétiques et inattendue des façons, et d'un autre six paumés improvisant de la manière la plus déjantée jamais vue. Entrant dans le jeu tel un maître espion, Henry broda allègrement sur le thème, Martin corroborant le tout d'un ton de grande sapience. Toni ne manqua pas d'apporter son grain de sel en déclarant en allemand, être agent de l'empire...sans dire duquel! Aucun besoin de dire que les conspirateurs surent exactement quel rôle prépondérant jouait Mrs. Clayton dans cette extraordinaire mission si sécrète que personne n'en avait jamais rien su, jusqu'à ce soir.

Le marquis de Bouillé avait du mal à accepter pareille intromission, quoique pas tant que Bourcet qui flairait arnaque et trahison. Le seul qui demeurait assez tranquille était Monseigneur d'Agoult.

Comprenez nous, messieurs-dames, votre apparition inopinée, vos connaissances de notre plan...votre histoire plus que...singulière...quelles garanties avons nous que vous n'êtes pas de nos ennemis?

Dave se permit un petit sourire en coin.

Si c'était ainsi, Monseigneur, vous seriez déjà la la Conciergerie, vous et vos amis...interrogés en bonne et due forme, sans besoin d'entrer en détails...et vos complices ne seraient pas allés bien loi, non plus...avez vous besoin de leurs noms?

Bénie soit Toni et sa mémoire photographique. Elle récita sans ciller la liste d'impliqués du premier jusqu'au dernier.

Que Dieu nous prenne en pitié et que ce qui doit être fait le soit, épilogua Monseigneur, et maintenant, bien sûr, nous devrons nous occuper de vous...impossible de vous laisser aller par là dans ces tenues loufoques...vous resterez ici...des invités, des amis...Désirez vous vous restaurer?

Ce ne fut pas de refus, après tout leur dernier repas avait été un bol de bouillon à bord du Carpathia. On mit à leur disposition des chambres en suite et les services d'un valet et une femme de chambre qui entreraient en fonctions le lendemain.

Et le lendemain aussi, il fallut se mettre à la couleur locale.

Ah non...ça jamais...je refuse de mettre ce truc poudré sur ma tête...ma barbe? Qu'est ce qu'elle a ma barbe!?

Ça faisait tache, moche, pas à la mode et ainsi de suite...Le barbier s'en occupa avec grand plaisir.

Monsieur se voit beaucoup mieux ainsi...cela rajeunit, rafraichit! Et cette perruque lui donne un chic d'enfer...

Tu veux rire...d'abord il me dit vieux et fané pour après vouloir me convaincre que je me vois bien avec cet air de pédé endimanché!...Arrête de te ficher de moi, Nell...dis lui que pas de perruque...

Henry et Martin n'avaient vraisemblablement eu, eux non plus, aucune envie de se mettre au top de la mode. Assez avec les tenues fournies! Ces dames par contre, agréèrent les conseils de leur femme de chambre et arboraient un air charmant avec leur allure très 18ème siècle, la seule chose qui les agaçait par dessus tout était devoir porter un corset. Mais bien entendu celui là était le moindre de leurs soucis.

Conférence au sommet. Révision exhaustive du plan d'action.

Désolé de vous le dire, messieurs, mais ce plan ne vaut rien!, déclara platement Dave ce qui fut loin de lui faire gagner des sympathies.

Mais voyons, il nous a été soumis par le Roi lui-même, s'outra un des présents.

Sa Majesté, avec tout mon respect,  a perdu un peu la perspective...de la sorte ce plan est voué à l'échec...

Martin prit le relais pour expliquer aux conspirateurs de service les diverses failles et manquements  du plan royal. S'exprimant avec aisance et grande clarté, force fut d'accepter que ça clochait de partout.

Il ne faut pas oublier que La Fayette n’a rien d'un idiot, il se doute bien que quelque chose se trame par là...évacuer la famille royale dans un seul véhicule est absurde...comme quoi, faut pas mettre tous les œufs dans un même panier!

Henry y alla du sien, peaufinant des détails essentiels, comme par exemple le besoin impératif de compter avec plus d'hommes expérimentés pour assurer la protection des évadés sans se plier aux possibles caprices d'un tel ou d'une telle ne sachant faire autre chose que geindre et se faire remarquer. Et aussi de limiter les communiqués circulant par là, messages de la Reine, du Roi...tout le monde papotait via porteurs de lettres, faute de moyen plus rapide.

*Voudrais pas voir ce que ça donnerait s'ils avaient WhatsApp ou Twiter!*

Et on revenait au véhicule, aux domestiques qui ne pouvaient manquer pour veiller au confort des voyageurs et leur sécurité.

La berline royale a été construite selon spécifications...pour ce voyage!, insistait M. de Fersen présent au débat.

Excusez, mon ami...mais la berline en question est on ne peut plus voyante  et avouez que la livrée choisie pour les domestiques n'est pas la plus judicieuse...Pourquoi entre toutes les couleurs vous deviez tomber sur le jaune de Condé? Le plus important est de ne pas attirer l'attention or de la sorte vous vous y employez à fond!

Mais...comment savez vous tout cela?, s'intéressa M. de Bourcet, le même qui depuis le début jouait les suspicieux avec grande conviction, ce sont des détails mineurs sans importance!

M. de Bourcet, dans une mission comme celle ci, dont l'enjeu est si énorme, il n'y a pas de détails mineurs, chacun pour minime qu'il soit revêt une importance vitale pour le parfait déroulement de la mission.

Débats éternels. D'uns semblaient comprendre, d'autres s'opposaient avec acharnement à tout changement. Henry perdant patience, explosa, de façon fort diplomatique, il faut le dire, et mit en miettes les arguments tant rebattus.

Les délibérations houleuses durèrent des longues heures, sans répit. Quand elles prirent fin, très tard dans la nuit, tout le monde était près de s'écrouler de fatigue. Dave se laissa choir dans un divan, près de Nell qui n'avait pas bien agréé être mise de côté pour les pourparlers.

Ma belle...ils sont bâtés comme des ânes, et n'ont jamais entendu parler du mouvement de libération féminine...déjà qu'on a du mal à leur faire piger qu'ils vont vers la perdition la plus sinistre...sais pas ce qu'ils ont dans la tête...en tout cas, je sais que la mienne fait mal...Je veux dormir...à chaque jour suffit sa peine, non?

Illusion? Rêvait-il déjà? Il lui sembla qu'une main fraîche se posait sur son front et que des doigts fins couraient dans ses cheveux? Il n'en sut rien mais se réveilla le lendemain bien installé dans le même divan, un coussin sous la tête et couvert d'un édredon.

La date prévue pour la fuite royale approchait sans qu'on finisse de se mettre tout à fait d'accord sur l'exacte séquence à suivre. un des motifs de tollé général fut le conseil formulé de séparer l’équipée initiale, à savoir: la baronne de Korff, qui était en fait la gouvernante des enfants royaux, et sa suite bien nourrie conformée, entre autres par Sa Majesté le Roi, dans le rôle de l'intendant, sa royale épouse jouant la gouvernante des enfants de Mme. la Baronne qui n'étaient autres que le Dauphin, déguisé en fille et sa sœur Marie-Thérèse. La sœur du Roi serait dame de compagnie et les domestiques, ceux qui allaient en jaune maison de Condé, des gentilshommes.

Et tout ce beau monde dans une seule berline? Sans aucune raison, je présume de peaufiner leur jeu, changer leurs manières, leur façon de parler...suffira de se faire arrêter en route, pour la raison qui soit...on reconnaîtra sans mal le roi, la reine...je vous laisse imaginer la suite.

Henry et Martin ne se gênèrent pas pour donner leurs avis éclairés ce qui sembla faire tourner un peu le vent de leur côté mais la partie était loin d'être gagnée.

Majors, qui suivait les déboires des voyageurs du temps avec assiduité angoissée, commençait à prévoir le pire et essaya de son mieux de pallier aux carences qu'ils pouvaient endurer. C'est ainsi que suivant le même chemin que la tablette numérique, un matos assez étonnant fit son apparition dans leurs appartements. Le cher garçon expédiait outre armes et munitions, dentifrice, savon et déo, en plus de médicaments divers.

Il pense à tout, Johnny...mais aurait pu aussi envoyer des brosses à dents!, rigola Dave, du nouveau, côté notre affaire?

Selon leur contact du 21éme siècle leur ligne demeurait tout aussi immuable que lors de leur aventure sur le Titanic.

Henry...créer des nouvelles lignes temporelles ne risque pas, à la longue, de chambouler quelque chose?

Apparemment le cher homme y avait aussi pensé mais sans tirer grand chose de concluant. Il faudrait sans doute attendre pour savoir ce qui pourrait se passer., après tout, il en était à son premier essai satisfaisant.

*Ouais...satisfaisant...si on veut le  voir comme ça!*

Parce que tout n'était décidément pas à la joie. Si Monseigneur et de Bouillé semblaient accepter d'assez bon cœur leur intervention, il n'en allait pas de même pour tout le monde. De Bourcet ne faisait aucun effort pour dissimuler ses sentiments. il les tenait pour des vils espions et n'aurait cesse jusqu'à s'en débarrasser de la façon qui soit.

Henry désirait sortir. Il voulait voir le Paris de 1791, expérience qui, il s'en doutait bien, ne serait pas a portée de main pendant trop longtemps. Monseigneur insista néanmoins pour que les épouses de ses invités demeurent à l'abri, dans la maison, assurant que les rues n'étaient plus sûres.

Sais pas si sûres ou pas...mais ça sent mauvais!...Tu as vraiment besoin d'aller voir plus loin?...Non, suis pas douillet...j'ai un bon sens de l'odorat...Martin, tu as vu ces rats?...Ils sont presque aussi gros que eux de New-York...Tu ne veux pas entrer là, Henry!...

Le Prof. Warrington semblait fasciné par l'enseigne de la taverne "Au chat bleu" et en toute évidence n'hésiterait pas à y entrer, se faire servir et déguster ce qu'on lui servirait, ce qui à l'avis de Dave, et de Martin aussi, pouvait entraîner, dans le meilleur des cas une dysenterie de la pire espèce.

Henry...

Les cinq hommes étaient surgis de nulle part et les entouraient, pas avec la meilleure des intentions à en juger par leur expression pas trop amène. Ils ne perdirent pas de temps en discours inutiles, sans doute parce qu'ils n'avaient rien à dire. Ce fut une action rapide. L'effet surprise fut parfaitement réussi....des deux côtés. Les malandrins s'y prirent avec coutelas et pistolet. Henry et Martin ripostèrent avec les automatiques fournies par Majors, s'étonnant de ne pas voir Dave s'en mêler...jusqu'à le découvrir affalé contre un mur, la main sur le côté baigné en sang...

Faites pas de foin...c'est juste une estafilade...

Curieusement il ne tenait pas debout et tout semblait se diluer dans un flou absurde...On criait, on accourait...on disait qu'il perdait trop de sang...l'idée de pouvoir mourir l'assaillit un instant avant de partir gentiment dans les vapes alors qu'on le déposait sur une table...


Dernière édition par Dave Clayton le Ven 18 Fév - 13:23, édité 2 fois
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Nelly Watts

Nelly Watts


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Qu'on lui coupe la tête...  Empty
MessageSujet: Re: Qu'on lui coupe la tête...    Qu'on lui coupe la tête...  EmptyMar 26 Avr - 11:18

Cela va faire deux heures, s’énerva Nell.

Elle usait le tapis sans s’en rendre compte en se rongeant les sangs. La mine de ses compagnes en disait long sur leurs propres appréhensions de même que leur inertie pour l’empêcher de poursuivre son manège agaçant.  
C’était bien du pur Henry que de vouloir tailler le bout de gras avec le Paris de 1791. Bien sûr, il n’était pas  seul dehors. L’évêque avait déconseillé formellement aux « dames » de sortir. Il est vrai qu’en ces périodes troublées, des femmes baladant la nuit étaient des proies faciles, estimées de petite vertu.  

J’aurais préféré rester sur le Titanic !

L’aventure avait été passionnante alors. Longtemps, Nell se reverrait chavirée mais soutenue par un roc qui n’avait rien d’un iceberg.  Ils avaient œuvré ensemble et atteint leur objectif : empêcher le naufrage de l’insubmersible paquebot géant. Cependant, la galère s’était poursuivie en tombant dans une cave, pas n’importe laquelle.  
Après un assez rude atterrissage à la dure en pleine obscurité, les amis avaient vite compris l’époque dans laquelle Majors les avait transportés. Henry leur avait servi du vin ! Quel curieux, ce bonhomme ! La suite fut moins plaisante car ils furent repérés assez rapidement. Dave eut, apparemment, une idée similaire à la sienne en se cachant avant d’être cernés.  Pour une puce comme Nell, c’était facile. Un trou de souris, et hop, ni vu ni connu. Elle tira Dave par la manche mais il lui tenait déjà le bras, la forçant au mutisme et immobilité.

Johnny : SOS. On a besoin d’infos, tout de suite, tapa-t-elle furieusement le clavier de la tablette dès que les autres furent remontés.

Majors avait effectué des recherches, précisé le point de chute mais avait encore besoin de temps. Dave, n’étant plus à ses côtés, Nell avait aboyé en sourdine :

Qu’est-ce que tu fous ?

Il ne jouait pas au touriste, ni ne s’enivrait. Il cherchait une arme défensive. Le maillet n’avait rien de dissuasif mais bon, si cela lui faisait plaisir…

Merde !

Que dire d’autre face aux écrits de Majors ?

*1791… révolution française… juin ? Merde ! *

Tiens Dave semblait au courant des événements dramatiques de cette époque.

C’est le moment où Louis XVI a préféré foutre le camp avec femme et enfants… Ils devraient être aux Tuileries et s’échapper dans la nuit… avant d’être arrêtés par La Fayette et ses hommes…

Marrant d’entendre les doux compliments de Dave :

…   Oui, ma toute belle,… Oui, ma Nell...tu es une véritable encyclopédie…  


L’effet de ces gentillesses fut mitigé.

*Il se moque de toi, comme d’hab…*

On mit de côté ces réflexions pour se concentrer sur leur propre évasion. Pour Dave, plan élémentaire : on monte, on trouve les autres, on fout le camp.  
Dans le fond, elle n’avait rien à redire là-dessus mais ne put résister à lui flanquer une petite tape plus par principe qu’autre chose. Au passage de l’escalier, puisque Dave avait un maillet, elle aussi voulut une arme. Une des salaisons pendues aux crochets lui sembla assez dure pour faire gourdin.  
Pas un chat dehors : bonne chose.  Mais où diable étaient séquestrés les autres ? Déjà, dans la tête de Nell se formaient des images peu réjouissantes. L’histoire révèle assez les méthodes de tortures en vigueur pour faire avouer n’importe quoi à cette époque comme aux antérieures.  Rien que d’imaginer Martin et Henry soumis aux brodequins… les filles au fouet ou autres misères, la glaça.  

Merde, on vient!

Ça y était, Dave jouait encore les protecteurs. Poussée derrière une épaisse tenture dont la poussière faillit la faire éternuer, Nell ragea en serrant plus fortement son gourdin improvisé.  
Des paroles se perçurent. Fallait-il en déduire que leurs amis étaient dans la pièce où l’on apportait fruits et carafons ? Donc pas d’écartèlement, ni de cisailles, ouf ! Lorsque 4 individus refermèrent la porte, Dave et Nell étaient certains que rien de direct ne menaçait leurs compagnons. Au moins, Nell put se rendre utile en clarifiant les échanges perçus à un Clayton peu doué avec les langues. Il en conclut exactement ce qu’elle-même en pensait. C’était agaçant et lui valut une autre chiquenaude.  
On passa sinon à l’action, au moins dans la pièce voisine.  

Nous qui vous imaginions soumis à la question ! C’est le régime de la faveur, pas la terreur, rit Nell en serrant Toni dans ses bras. Comment vous en êtes-vous sortis ?

Elle faillit hurler de rire en apprenant les mensonges d’Henry.
Grâce aux infos de Majors, ils surent exactement à qui ils avaient affaire. Ils étaient en plein complot d’évasion de la famille royale et ses funestes conséquences. L’identité de ces gens de la rue St Honoré leur fut révélée. Aussi, mettre leur nom sur les têtes qui se présentèrent à leur grand dam peu après s’avéra aisé. Inutile d’être grand mathématicien pour voir que leurs « prisonniers » s’étaient enrichis de 2 de plus. Dave se dévoua :
 
Colonel Clayton, armée anglaise du Canada ...en mission spéciale, mon général, et cela en français assez massacré mais compréhensible, et voici ma femme...Mrs. Clayton...  

*Et vas-y du colonel et moi de la pauvre cloche d’épouse inutile… *

La suite fut un poème. Puisque son cher époux pataugeait avec le français, Nell profita de ses talents linguistiques en traduisant français, anglais-allemand. En gros, il existait une coalition des nations voisines désireuse d’appuyer la fuite royale. Les conspirateurs ne l’entendirent pas de cette oreille-là, ni de l’autre.

Si je puis me permettre, je vous signalerai que peu importe la façon dont nous sommes au courant. Vous voulez sauver le roi, nous aussi ! Avec vos idées idiotes, il court droit à l’échafaud… ses complices aussi.

Dave en rajouta, Toni aussi. Les conspirateurs étaient marris.  
Pour l’heure, on leur accorda le bénéfice du doute en les installant très confortablement à l’étage.              
Confortablement était beaucoup dire ! Certes, pour Nell un lit de cette taille était vaste, pour Dave…
Le sofa ne lui convenait pas non plus. Impossible de faire chambre à part, ces gens auraient flairé l’arnaque aussitôt si ce n’était déjà fait.

Je vais me caser facilement sur le divan. Prends le lit. Bonne nuit !  

Pas de pyjama, mais des robes avec bonnet de nuit. On n’était pas à cela près.
Dave ronflait comme un bienheureux à proximité. Étrange comme cette scie pouvait s’avérer… rassurante. Nell ne ferma quasi pas l’œil, trop occupée avec la tablette afin de prier Johnny de leur expédier très rapidement armes, munitions, papiers en règle et divers objets entre autre d’hygiène car ici, contrairement au Titanic, on ne disposait que du moins que rien. Leurs sacs avaient été confisqués dans la cave. Par veine on n’avait pas effectué de fouille corporelle. Les pierres précieuses et or étaient toujours planqués sur ces dames. Cependant, Nell aurait tout donné pour une douche correcte et des sous-vêtements décents. Fallait attendre. Pauvre Johnny…

On va bien pour le moment, lui transmit-elle. Louise ? Elle est parfaite. La batterie va poser souci… Ah ?... ok, je ferai ça. Tu t’en sors comment ? …  

Le pauvre pataugeait à trouver une solution.

Ne t’énerve pas. Expédie ce que tu peux. Il nous faudrait aussi un plan détaillé du quartier et les pièges à éviter, si c’est pas trop demander…

Le brave garçon jura de s’y consacrer ; Nell put enfin roupiller un peu.
De grand matin débarquèrent femme de chambre et valet. Dans le petit cabinet d’aisances – grand mot pour peu de chose : cuvette, pot d’eau et de chambre – Dave subit le barbier tandis qu’elle endurait le laçage de corset.

Ninon, je n’en ai pas besoin ! Vous m’étouffez !

Madame aura une taille de guêpe ainsi serrée…

J’ai déjà celle d’une fourmi, ça me suffit. Dehors !

Au moins, on n’exigeait pas une perruque aux dimensions d’un immeuble de deux étages, ni de subir l’épreuve du poudrage par cornet, mais la servante s’étonnait de la coupe assez courte de sa « patiente »  
La robe dont elle fut affublée était sans artifices ridicules. De serge bleue, cintrée, col blanc immaculé, bonnet assorti, elle était moins falbala que la tenue arborée par son « époux » en culotte moulante, chemise à jabot et redingote à larges revers. Le voir rasé déclencha l’hilarité irrépressible de Nell :

Wow ! Le capitaine Kirk en jeune !!    

...Arrête de te ficher de moi, Nell...dis lui que pas de perruque...


En se marrant, Nell exposa les faits :

Mon mari est américain pure souche. Il a les cheveux courts et ne porte perruque qu’aux grandes occasions. Ce n’est pas le cas, n’est-ce pas ? Laissez-nous, merci.  

Se tournant vers Dave, elle avait cligné de l’œil :

Je lui ai dit poliment d’aller se faire foutre. Tu es content ? Comment tu me trouves ??

Le regard posé sur elle lui envoya dans l’estomac quelque chose d’inattendu dont elle se débarrassa vite :

Ouais, j’ai grandi de 10 cm à cause des talons de maroquin. On va au salon ?

Les autres ne rigolaient pas trop non plus dans leurs nouveaux atours.  
Entre hommes, une discussion âpre s’entreprit.  

Bon sang de bois, jura-t-elle en sourdine. Quand est-ce que ces imbéciles pigeront ?... Oui, Louise, nous on le sait : quand les poules auront des dents !  Allez mesdames, démontrons qu’on les surpasse. Le plan A est nul, on est bien d’accord…

Avec un haussement d’épaules, Nell enchaîna :

J’en ai deux ou trois sous le coude… Non Louise, j’ai pas bien dormi du tout. J’ai eu des infos de votre protégé qui va nous seconder incessamment *du moins, j’espère* J’attends encore des précisions et du matos… Ils en ont pour des heures…  Mesdames, filons…

En fait, personne en particulier ne leur prêtait grande attention, avantage certain du peu de cas accordé à la gent féminine d’alors.
Leurs mises n’étant ni commune ni bourgeoise, rien ne les empêcha de balader par-là. Toni insista pour rendre visite au n°47. Pour le peu, qu’en douce, ces dames consultèrent les archives envoyées par Majors, il était certain qu’Antoine de Lavoisier habitait là. Belle rencontre. Henry aurait adoré. En sortant, Nell demanda :

Pourquoi lui ?... Martin ?  … de l’éther ?...

Ma foi, pas mal vu. Un bon anesthésique ne serait pas de trop dans un lieu où l’on manquait de tout modernisme.  
La promenade fut assez hallucinante. Cette rue avait déjà connu maints faits historiques patents et en verrait sans doute d’autres.  Pour l’heure, Nell tenait à son plan B.

On va se trouver des attelages ordinaires… oui, avec chevaux de traits les plus lents du monde. On devra aussi trouver des nippes pas très reluisantes… ouais, c’est le plus facile. Vous avez vu la crasse, remarqué ces odeurs ??  

On joua à saute ruisseau pour ne pas trop souiller les jupes. Les égouts existaient mais pas encore pour le tout à… Il fallait donc faire attention aux pots de chambre déversés en rue ainsi qu’aux pieds posés dans certains quartiers.
Recruter des équipages au débotté ne fut pas mince affaire mais quelques rubis parlèrent mieux que ces dames déterminées.
La journée y passa, chacune y ayant joué un rôle ou l’autre.
Crevées, elles l’étaient mais moins que leurs hommes assommés par des heures de palabres.    
À leur retour, chacune exigea un bain, une douche, n’importe quoi pour ôter la puanteur qui les écoeurait.

Une douche ??? s’effara la servante.  

Ninon, prenez cet arrosoir à pommeau large, et déversez.


Madame, votre chemise…

Ève n’en avait pas, pas plus que vous et moi en naissant. Versez !!

Génial que d’être propre enfin.
Dave s’affala sur les coussins près d’elle :

Ma belle...


Pourquoi lui disait-il de tels trucs ? Ça l’embrouillait, lui faisait perdre le fil de ses idées et accélérait bêtement les battements de son cœur. S’il s’agissait d’une sorte d’excuse pour l’avoir planté la journée entière, il se ficha de ce qu’elle avait bien pu fabriquer de la sienne.

*Dors, mon bel ange dors…*

Une caresse au front, un doigt timide frôlant une joue redevenue râpeuse, Nell se retint d’un baiser aux lèvres de l’homme qui ronflait déjà, se contentant de glisser un oreiller sous sa jolie nuque et le couvrir d’un des édredons, avant de s’enfouir sous l’autre dans le lit.
Le lendemain même topo. Tandis que les hommes tentaient de convaincre les conspirateurs de la nullité de leur plan A, les dames peaufinèrent leur B et même C.  
Les palefreniers, trop heureux des valeurs échangées, se tinrent prêts. Les tenues commandées l’étaient aussi. Les dames vérifièrent le moindre détail sans piper mot à quiconque.  
Il était étrange ce Paris de 1791, quoique… Une part crevait la faim, réclamait des têtes, l’autre se la pétait comme si rien. Le quartier traversé était animé avec des enseignes en fer forgé annonçant la couleur. Les auberges et débits de boissons abondaient sur leur parcours mais elles ne s’arrêtèrent à aucun. Par contre, un marchand d’oublies reçut un écho favorable. On se régala de ces pâtisseries… oubliées. Les odeurs des environs… n’en parlons pas.    
Elles se hâtèrent avec leurs paquets sans que quiconque ne leur demande quoique ce soit, parvinrent à les planquer dans un réduit sous un escalier de l’hôtel du marquis qui les hébergeait.  

Ces réunions à rallonge ne me disent rien qui vaille, soupira Nell heureuse de l’achat d’un éventail.

Il faisait étouffant, moins dedans que dehors grâce à un judicieux emplacement vers l’arrière-cour ombragée d’où une fontaine alimentait la fraîcheur intérieure, mais quand même.
On tourna donc gentiment en rond entre dames en s’amusant aux cartes ou au tric trac très en vogue à l’époque et dont Louise connaissait les règles. Pourtant, aucune des « épouses » n’avait la tête à ça.
Quand les « maris » se pointèrent, ils avaient la mine sombre sauf Henry bien décidé à ne pas profiter davantage de l’hospitalité du marquis en allant goûter la vie parisienne nocturne.

Et nous on fait quoi, du tricot ?? s’énerva Nell.

Que Martin, goguenard, lui balance de lire les évangiles faillit la faire sortir de ses gonds. Toni ne se gêna pas de lui sortir des choses que seules Nell et Louise captèrent à 100%. N’empêche qu’elles furent à nouveau seules pour une soirée qui s’allongeait.  
Nul ne les convia à dîner mais elles reçurent des plateaux bien garnis en compensation.

Je parie qu’ils s’empiffrent des chapons du père dodu, nous on se ronge les ongles… oui, moi, je me les ronge, et alors ? Deux heures que l’on glande.  Je ne sais pas vous mais je n’aime pas du tout Bourcet.  

Il lui sortait par les yeux, en fait. Quel suffisant personnage ! Pour peu qu’elle l’avait entrevu, Nell s’était faite une opinion peu reluisante du bonhomme :

C’est un sournois. Rien que son regard fuyant donne froid, pas que je m’en plaigne vu la chaleur. Mais il prépare quelque chose…

Un grand tumulte se déclenchait à l’entrée. Une fraction de regard suffit aux dames pour filer voir de quoi il retournait.
Nell ne vit que Dave et le sang dont il était couvert.



QU’EST-CE QU’IL S’EST PASSÉ ??  

Henry et Martin qui soutenaient le blessé narrèrent brièvement tandis que le Marquis descendu en toute hâte en robe de chambre donnait ses ordres à la valetaille.
Martin assura que c’était moins pire que ce que ça en avait l’air mais que des soins supplémentaires s’imposaient.  
Déjà, on menait le bel inconscient dans un salon dont la table fut vite débarrassée.  Cela courut dans tous les sens à la recherche de ce qu’ordonnait le docteur Lescot.  Toni cavala vers l’étage, Louise accrochait Henry pour plus d’info et se rassurer de son état. Nell, la gorge nouée, se jeta sur le blessé :

Dave, je t’interdis de nous quitter, de me quitter…

Elle pleurait ? Elle n’en avait pas idée. Qu’on veuille l’écarter déclencha sa fureur :

C’EST MON MARI !!  

Martin, vu son expression, avait fort envie de lui flanquer une baffe. Elle para son geste pour hurler :

OÙ EST BOURCET ??  C’est lui ! Je suis sûre que ce coup vient de lui. Je vais le tuer !

Ah, il n’était pas en ces murs, zut ! Sa vengeance devrait attendre.
Elle eut de quoi poireauter tandis que Martin oeuvrait sur son patient. Une méchante lame avait pénétré en profondeur. Martin et Henry avaient paré au plus pressé dans l’auberge ameutée par les coups de feu échangés devant elle. Mais le docteur ne disposant pas de son nécessaire, il avait fait rapatrier Dave à son domicile provisoire.  
Là, on était en pleine folie. Le Marquis eut le malheur de vouloir évincer Nell de la table d’opération. Sans Louise, il aurait été mordu.  



Laissez-nous ! Allez demander des comptes à votre idiot de complice. Je vous jure que s’il arrive malheur à Dave, c’est pas la guillotine qui vous attend, mais moi !

Martin, muni de l’élémentaire stérilisé à la hâte, se débrouilla comme un chef pour recoudre les chairs perforées.  Le poumon gauche avait été raté de peu, l’estomac pareil. Mais ça pissait de partout.  Nell assistait comme elle pouvait en passant les linges tandis que Toni, le cœur au bord des lèvres, maintenait une lampe par-dessus la plaie.  Mettre un doigt dedans ? Pas à cela près, Nell suivit les instructions non sans encouragements à l’évaporé.

Tout ira bien... allez… tiens bon… si tu me fais ça, jamais tu ne t’en remettras.


Hein, que ? Transfusion ?  

… Cherche pas, Martin. Je suis o neg. Pas de souci !  

Avec les moyens du bord, le sang de l’une passa dans le corps de l’autre.  
La tête lui tournait quand ce fut terminé. Martin était très satisfait, confiant et crevé. Tous l’étaient, du reste.  

… Mais je veux veiller… Ok… on se relaie.

Longue nuit sans sommeil. Les antibiotiques reçus de Majors suffiraient-ils ? Et s’ils ne convenaient pas ?

Martin avait les yeux qui tombaient en auscultant une énième fois son patient. Pas de fièvre, ça allait.  
Au petit jour, tous étaient claqués, casés à la va comme on peut dans les sièges proches. En douce, Nell se pencha sur le bel endormi :

Dave… mon chéri… tu m’as fichu la trouille de ma vie. Jamais je ne m’en remettrai si…


Oh ? Il battait des cils. Son regard si merveilleusement bleu était encore vaseux mais bien présent. Nell, illuminée une fraction de seconde, se redressa et cacha son trouble en l’abreuvant de reproches :

Si tu n’étais en lavette, je te frapperais ! Quelle idée saugrenue d’avoir été promener la nuit ! Tu ne l’emporteras pas au paradis, la trouille que tu nous as mise.  

Dieu qu’elle aimait ce sourire ironique.
Tout le monde sur le pied de guerre dès que Dave put s’asseoir. Aucun n’était dupe, l’attaque subie émanait de De Bourcet. L’accusé ne nia d’ailleurs pas et s’expliqua quand il fut confondu face à ses accusateurs :

Je pensais que c’était la meilleure option pour éviter de faire capoter notre plan. Que vous n’ayez pas recouru à la maréchaussée, tente à prouver qu’effectivement, vous n’êtes pas les espions supposés.  

Grave, le Marquis avoua ne pas les avoir entièrement agréés non plus, mais dénonçait la manœuvre de l’ancien protecteur du Dauphin.

Nous sommes navrés de cet incident regrettable. Pierre est un sanguin… il ne veut que la sauvegarde de notre cause.  Alors, nous vous accordons nos oreilles attentives, cette fois.

 Dressée telle une Némésis dont on avait agressé l'aimé, Nell attaqua :

Marquis, mille grâces ou grand merci, je me fous du protocole en vigueur ici.  Voici, ce qui va se passer…

Aux Tuileries, sous la surveillance attentive des élus dont M. Lafayette, le roi se coucha.

Les plans sont modifiés pour votre sécurité, sire, lui glissa son valet en le menant au petit cabinet des affaires (toilettes).


Louis s’offusqua devant la tenue à porter.

Ces guenilles ? Vous rêvez, mon ami.

Il ne sut ce qui se passa que bien plus tard, après qu’un chiffon imprégné d’éther ne l’expédie chez Morphée…  
Son épouse subit à peu près le même sort dans une des pièces proches. Les enfants ne causèrent aucun souci, trop fascinés par le clown Henry.  

Majors s’était beaucoup, énormément inquiété suite à la blessure de Dave. Cependant, la suite lui donna aussi des sueurs. Voir se séparer ses ouailles ne lui plaisait pas du tout. Les récupérer ensemble était déjà complexe, séparément était impensable.

Quatre équipages quittèrent Paris dans la nuit du 20 juin 1791.  Tous en directions opposées.  
La splendide berline aux rayons de roues jaunes servait de leurre. Toni, Martin et un certain Malden en cocher accompagnaient le colis royal mâle, cahin-caha, dans une charrette à foin. Louise, Henry et Valory  firent de même avec des cageots de pommes et les enfants royaux munis de leur tante. Quant à Nell et un Dave pas trop fringant, ils transportaient parmi des choux son altesse Marie-Antoinette, ainsi que la baronne de Korff.
Il fallait prier pour que ce beau monde ne se réveille pas trop tôt. Pas difficile de faire passer la pilule aux gardes des portes franchies en longue file de véhicules divers.

Ma mère est très malade, dit Nell à l’un de la porte de l’ouest. On va livrer ces cageots aux champs …

Les passeports en règle, l’état des passagers et leur odeur suffirent pour traverser…
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Toni Fischer

Toni Fischer


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Date d'inscription : 02/02/2016

Qu'on lui coupe la tête...  Empty
MessageSujet: Re: Qu'on lui coupe la tête...    Qu'on lui coupe la tête...  EmptySam 30 Avr - 12:25

Que dire? Rien. Absolument rien. Mieux valait ainsi. Après tout, on n'attendait rien d'autre d'elle, qui, jouant les grandes gueules illuminées, avait tout mis sens dessus dessous sans consulter personne. Petit coup d'éclat et puis retour à la sagesse, suivant paisiblement le mouvement. Et pour bouger, ça bougea! Encore heureux que ce fut dans le bon sens...

Toni ne vit pas grand-chose de New-York, à part la Statue de la Liberté à travers un rideau de pluie avant que les manipulations de John Majors ne les envoient rouler au fond d'une cave sombre et froide. Comme changement de décor il y avait certainement mieux, surtout quand le Dr. Warrington les informa, approximativement sur le lieu et la date de leur nouvelle destination.

*Aprox ou pas...Französiche Revolution...guillotine...*

Certains clichés restent indissociables de la véritable histoire. Pour Toni, la guillotine et la Révolution Française ne faisaient qu'un. Comme la plupart elle tenait ses infos des films plus que des livres d'histoire et évidemment, entre la version édulcorée et la réalité...

Pas trop le temps de s'informer auprès de Majors, déjà on les trouvait, on les déménageait, interrogeait et...servait à boire et à manger. Certes la conversation s'était déroulée en français, avec certaines tournures inédites  débitées en mode moulin de paroles surexcité.

Je ne pige rien
, souffla t'elle à Martin.

Certainement pas le moment pour une mise à jour alors qu'on débattait avec des hauts personnages. Mais il y eut une pause, car ces messieurs, leurs hôtes obligés avaient mieux à faire ailleurs. Tour de clé, enfermés dans un beau salon avec vins et fruits. Libre aux "prisonniers" de discuter tout leur soûl tout en se demandant où étaient passés Dave et Nell.

Ils étaient en bas avec nous, assura Toni, je les ai entendus!

On ne tarda pas à se rassurer quand les deux perdus firent leur apparition et on put passer à la ronde d'informations dont Toni avait follement besoin. Louise se chargea de lui résumer les faits en cours, en allemand, pour faciliter la compréhension.

Oui, ça va...j’ai saisi...je ne savais pas que cela s'était passé comme ça...alors le Roi a essayé de fuir avec sa famille...mais ça a ...raté...les pauvres et après...couic!?

Eh oui...Couic! Façon de résumer un passage à la guillotine! Mais la situation n'était pas à la rigolade surtout quand leurs "hôtes" revinrent sans préavis, interrompant cavalièrement leur brainstorming. Ils n'étaient pas tous très commodes, ces messieurs, surtout le petit excité qui n'arrêtait pas de parler, donnant à Toni envie de lui taper dessus. Il ne voulait croire à rien, celui-là mais pour leur chance les deux autres, ô miracle, gobèrent leur histoire, surtout après la présentation, si apparemment crédible, de Dave.

*Hein?...Services secrets!? Ça gobe n'importe quoi, les gens de ces temps-ci!*

Ils s'étaient d'abord farci la version loufoque servie par Henry et maintenant...autant en rajouter une couche pour faire mieux.

Je suis agent de l'Empire, comprenne qui pourra, en action conjointe avec les Britanniques!

La chose tomba vraisemblablement très bien. Entre conspirateurs on s'entend! Ces braves gens avaient un énorme problème sur les bras et du coup semblaient, pas tous, assez soulagés de trouver avec qui partager les amertumes de la conspiration, qui entre nous n'étaient pas des moindres, surtout après la notable récapitulation de Nell.

Vous voulez sauver le roi, nous aussi ! Avec vos idées idiotes, il court droit à l’échafaud… ses complices aussi.

Toni suivait, fascinée, le ping-pong verbal qui s'en suivit. Personne ne manquait d'arguments solides
faut l'avouer, en fin de comptes, on pouvait très bien comprendre ce manque de confiance initiale. Leur apparition n'était décidément pas du genre à mettre tout ce beau monde à l'aise. L'un réclamait des garanties, Dave lui donnait des raisons et avant que le tout ne s'emmêle au delà du gérable et grâce aux informations fournies par Majors, lues en vitesse mais bien retenues, Toni décida y mettre du sien.

Comme dit le colonel Clayton...vous finiriez tous en prison et puis, geste décidément allusif en passant index et majeur sous sa gorge, vous et...les autres...Axel de Fersen, l’intendant, Joseph Duruey et Jean-baptiste Tourteau de Septeuil, les banquiers, son accent allemand n'en ratait pas une, chaque nom tombait avec l'efficacité d'un obus, le baron de Breteuil, le diplomate, le comte de Mercy- Argenteau, l'intermédiaire avec l'empereur et Nicolas de Malbec de Monjoc, qui est censé de conduire la voiture au départ des Tuileries...

Adjugé! Vendu! Cernés de partout, leur plan mis à découvert et partant en eau de boudin, il ne resta aux conspirateurs qu'admettre, même si ça cuisait méchamment, que ces étrangers si singuliers savaient apparemment mieux s'y prendre qu'eux. Mais il s’agissait de sauver leur Roi bien-aimé et sa famille, ile feraient n'importe quoi!

*Pas à dire, c'était plus simple la vie, là...si on se raconte bien, ça marche!
*

Sauf petit hic! Ça allait pour ces messieurs, eux ils avaient droit d'opinion, de discussion...Les femmes, elles, même si elles avaient eu pas mal à dire et l'avaient fait, avaient été reléguées à leurs appartements. Les messieurs de l'époque les ignoraient très poliment et en passant monopolisaient le temps de leurs "maris" , ce qui laissait à ces dames le loisir d'occuper leur temps comme bon leur semblerait.
D'abord, il avait fallu se mettre à la mode du jour, ce qui n’avait eu rien de trop émoustillant, à l'avis de Toni qui détestait l'idée de porter un corset , ne parlons pas des perruques démesurées qui lui furent proposées.

Moi, petite bourgeoise...pas de falbalas...simple, c'est bon!

La femme de chambre se fit sans doute une paire d'idées mais n'en fit pas état, obéissant comme lui avait dit son maître et ouvrant grand ses oreilles mais c'était sans compter que ces dames ne parlaient pas en français entre elles mais en allemand!

Elle se sentit vraiment petite bourgeoise de rien du tout à coté de ces messieurs aux allures d’élégants seigneurs.

Hmmm...vous allez conspirer ou jouer les jolis cœurs!?...Nous, ben, vu qu'on ne veut pas de nous...on va se balader par là!

Martin qui en savait long sur l'époque, évoqua un certain Lavoisier qui vivait dans le coin, chimiste reconnu qui pourrait sans doute lui fournir un peu d’éther.

Ok...oui, je sais à quoi ça sert l'éther...T'en fais pas, si possible, tu l'auras!...À plus tard...bonne chance!

Peu reluisant le Paris de cette époque. Toni fronçait le nez, relevait ses jupes, sautait le caniveau tout en pestant avec entrain.

C'est...dégoûtant...ça sent mauvais, c'est sale... Comment peut on vivre de la sorte?

Ne connaissant pas autre chose, personne ne semblait s'en plaindre. Question d'habitude, quoi!

Étrange journée. La rencontre avec Lavoisier resterait indélébile dans leur mémoire, et Martin aurait son éther. La suite fut fatigante et mouvementée, suivant le plan B concocté par miss Watts.

Ok, j'ai compris...attelages ordinaires, chevaux minables, fringues degueu...fondre dans le décor, passer inaperçus...Suis sûre que ça va pas faire des heureux!

C’était le moindre des soucis, car, dans sa simplicité, ce plan était aussi la seule solution pour sauver la famille royale!

Retour à l'hôtel particulier de M.de Bouillé pour constater que ces messieurs poursuivaient leur réunion à rallonge qui serait servie d'un bon dîner et sans doute encore de plus de discussions. Les habitudes de la maison voulant que ces dames se fassent plus discrètes que des souris, il ne leur resta qu'à regagner leurs appartements et attendre.

Toni, elle ne rêvait que d'un bain chaud.

Madame a déjà pris un bain hier soir, osa timidement la petite bonne, c'est mauvais, tant d'eau!

Toni la dévisagea en riant de bon cour.

Je vais prendre ce bain...et demain aussi...et c'est très bon, au contraire...on sent bon après!

Pour ça, il y a les parfums!

Inutile d'essayer de convaincre la pauvre fille du contraire. Toni eut son bain et aussi son lot de soupirs désolés de la bonne qui apparemment craignait la voir se diluer dans l'eau chaude. Ayant survécu  à sa dangereuse lubie, elle eut droit à un plateau bien garni en guise de dîner.

*Décidément...on veut pas nous avoir dans les pattes!*

Elle songea un instant à rejoindre Louise et Nell mais le retour de Martin, l'air fatigué, la fit changer d'avis.

Alors...ça a été?...Ah bon?...M'en doute bien...Pas facile de leur faire entendre raison?...Mouais...Oui, on a rencontré M. de Lavoisier et j'ai ce que tu voulais...oh, après on a fait un peu de tourisme...

Il narra succinctement sa propre journée, résuma un peu les diverses discussions et assura avoir eu droit à un succulent dîner.

Super...non, on m'a monté un plateau...encore du poulet...j'aurais donné n'importe quoi pour avoir des frites et du ketchup...

Apparemment le Dr. Lescot jugeait cette pratique limite sacrilège, vu la moue qu'il fit. Toni soupira. Il n'avait pas trop envie de parler, elle pouvait le comprendre, n'ayant fait que ça la journée durant, Monsieur accueillit, sans doute,  sa résolution d'aller dormir comme une délivrance.

Et comme les derniers soirs, depuis leur arrivée, il lui proposa gentiment de prendre le lit, et elle, comme d'habitude assura que le divan lui convenait parfaitement. Ainsi fut fait. Au bout de cinq minutes Martin ronflait et Toni contemplait le plafond sans le voir.

*On était si bien avant...des bons copains, on rigolait...il a changé depuis le bécot de trois fois rien sur le Titanic...Il se fait des idées, c'est sûr...et pas le temps de lui en parler...et là, il est si sérieux...lointain presque...pas comme Nell est son Dave...ces deux-là, chaque jour plus proches...sans s'en rendre même compte...et Henry avec Louise...ils sont si mignons...s'entendent comme un vieux couple heureux...*

Réflexions soldées par un énorme soupir, elle s'accommoda et ne tarda pas a s'endormir.

La routine instaurée ne résultait pas des plus plaisantes. Messieurs d'un côté, Mesdames de l'autre.

Cela va faire deux heures, s’énerva Nell.

Toni et Louise soupirèrent. Cela faisait un moment que Nell tournait en rond en usant le tapis.

Oui...mais tu sais comment sont les hommes...ils sortent entre copains et oublient le reste!, elle aurait voulu y croire mais un mauvais pressentiment la taraudait, et en toute évidence elle n'était pas la seule, ils ne tardent plus...j'en suis sûre! *Pourvu que ce soit vrai...*

Ce fut vrai mais pas exactement comme voulu. Martin et Henry ramenaient un Dave mal en point après s'être fait poignarder en pleine rue. Nell devint pratiquement folle en criant après tout le monde et suppliant Dave de ne pas la quitter.

*Mais bien sûr...elle ne sent absolument rien pour lui!*

En d'autres circonstances Toni l'aurait charriée en se marrant comme une dingue mais là elle passa en mode scout prêt au service et aida comme elle pouvait.

*Ouais...tu tiens la lampe...mieux que rien...Pitié, tu détestes voir du sang...mais surtout, ma fille, ne t'avise pas à tourner de l’œil...on n'a rien à cirer de tes faiblesses...Tiens bon, Dave...tiens bon!*

Il tint bon. Le talent de Martin, le sang de Nell et les médocs envoyés par Majors avec le matos demandé deux jours auparavant lui sauvèrent la vie en cette nuit qui leur sembla éternelle à tous. Henry culpabilisait à fond , soutenu par une Louise stoïque.

*Ben, le pauvre...s'il n'avait pas insisté pour sortir ce soir...*

Les jours qui suivirent furet décisifs. Dave se remettait bien et assez vite. Le Marquis avait reconnu la faute de Bourcet tout en cherchant à l'excuser alors que le bonhomme se vantait presque de son acte en assurant n'avoir agi que pour s'assurer qu'ils étaient ou pas des espions. Toni lui aurait volontiers balancé son poing dans la figure ais Martin eut l’heur de la retenir.

Et après ça, on passa à l'action suivant le plan mis à point par Miss Watts et peaufiné en effort conjoint.

Toni ajusta le fichu sur ses cheveux en bataille et regarda le chemin qui s'étendait devant eux. Le paysage était magnifique et tout ce qu'on voudra mais elle en avait un peu marre d'avaler de la poussière, d'avoir chaud, et les mouches, et les taons... et le foin qui piquait.

Oh, je suis toujours partante pour une bonne aventure mais là...Martin, on voyage en charrette à travers la France...avec Lui!, et de signaler l'homme écroulé dans le foin, encore sous les effets narcotiques de l'éther de Lavoisier, tu penses lui coller une dose chaque fois qu'il ronchonne?

Parce qu'elle n'était pas facile à vivre Sa Majesté le Roi de France... Quitter Paris avait été plus facile que prévu. Qui pouvait faire vraiment attention à cet ivrogne pouilleux qui la cuvait dans le foin? Ils n'étaient qu'une famille de paysans nantie en plus d'une fille un peu idiote qui faisait seulement des bruits au lieu de parler.

Un soulard, une tarée, deux grognons... le tableau parfait...Tiens le voilà qui se réveille!

Et pour un réveil, c'en fut un en fanfare. Roi un jour, roi toujours, le voilà qui criait à l'outrage, au crime de lèse majesté, s'il avait pu, la garde aurait été ameutée.

Ça ne va décidément pas chez vous...on vient de vous sauver la peau et vous hurlez comme goret...

Madame, s'indigna le cocher, gentilhomme d'incognito, vous ne pouvez vous adresser à Sa Majesté sur ce ton!

Elle l'abreuva de quelques gentils petits jurons en allemand avant de poursuive en son français haut en couleurs, alors que Martin luttait pour garder son sérieux.

Oubliez le Roi...fichu, passé...fini...là, maintenant M. Durand...rien d'autre. Pas de chichis, pas besoin de se faire remarquer...sinon...guillotine pour tout le monde...et elle me plait, ma tête! Compris, M.Durand?...Non mais...le voilà votre traitement de faveur!

Un petit trip à l'éther avec malaise conséquent, mais au moins s'il rendait l'âme, il ne parlait pas et au cas de recommencer à se plaindre...c'était réparti pour une ronde. Le fidèle M. de Malden souffrait de voir son roi et maître traité si cavalièrement mais comprenait que c'était l'unique façon de le sauver.

Alors, comme ça on va vers Marseille...et je parie que c'est loin...Non, non, je ne me plains pas...je crois que j'ai choppé des puces...ou va savoir quoi...ça pique...Ça faisait du temps que je faisais pas du camping...Dis, Martin...tu as peur?...oh non...juste pour savoir que je n'étais pas la seule...Je me demande ce que deviennent les autres...Oui, on s'en sortira...*Voudrais bien savoir comment!*...au moins, grâce à Majors on a de quoi se défendre...Non...je n'ai pas faim...vraiment pas...un peu d'eau me suffira...

Entre soupirs, elle se grattait discrètement en rêvant d'un merveilleux bain de mousse. Sa Majesté dormait dans la charrette, le brave de Malden, rebaptisé Jacques Durand, montait la garde. La nuit était magnifique, dégagé, chaude, chargée de senteurs.

Un jour je reviendrai ici...en motor-home...oui, je suis odieusement commode, elle haussa les épaules, nouveau soupir, chacun ses petites illusions, non?...IL y a tant de choses que je voudrais encore faire de ma vie...en 2015...Ah...pourquoi j'étais partie alors? Voulais apprendre le français..., petit rire sans joie, et aussi oublier un peu...ben oui, on a tous droit à un mauvais moment...un mauvais choix..., regard limpide levé vers le DR. Lescot qui écoutait, attentif, tu sais...ce genre de trucs qui te font sentir comme...si tout était fini...ta vie, le monde...tout devient moche, t'es triste...et en veux à tout le monde...

Ce genre d'aveux, déclinés en un mélange improbable de français, anglais et allemand ne résultaient pas moins douloureux. Elle essuya rageusement une larme et essaya un sourire de travers.

Depuis,et ça fait déjà un bout de temps, je me suis juré de ne plus jamais croire ce que les hommes pourraient raconter...C'est pour ça que je me sens si bien avec toi, Martin...tu es un ami, un copain et tu ne racontes rien...C'est bon, c'est rassurant...Bon, et maintenant essayons de dormir...je promets de me gratter en silence! Bonne nuit!

Laissant aux deux hommes le loisir de se partager les tours de garde, Toni s'accommoda à la comme on peu, non loin du feu de camp. À quel moment Martin revint s’installer non loin d'elle? Fraülein Fischer n'aurait su le dire mais son instinct, même au profond de son sommeil, la poussa à chercher proximité et chaleur dans la fraicheur du petit matin. En tout cas, elle se réveilla lovée contre Martin qui en dormant toujours la serrait contre lui.

*Euh...m'enfin, ma fille, même les pingouins se rapprochent sur la banquise!*

On ne saura sans doute jamais quels détours cabalistiques pouvaient faire les pensées de la miss, en tout cas, elle referma les yeux et se rendormit paisiblement, sans s’écarter d'un pouce. Au matin, on fit comme si rien et fin de l'épisode.

C'est loin Lyon?...Et Marseille de Lyon?

De Malden lui adressa un regard plein de commisération.

Cela nous prendra quelques jours, Madame...notre équipage est peu brillant!

Mais discret...alors...combien de temps?

Il ne voulut pas se montrer exact et on resta dans les approximatifs, sans colorer de trop d'optimisme. Pour quelqu'un habitué aux nouvelles instantanées ou presque, le 18ème siècle résultait tout simplement angoissant. On vivait au jour le jour en supposant que tout marchait comme voulu. Quoique contre toute attente, il fallait reconnaître que malgré toutes les carences de l'époque, les conspirateurs avaient établi un réseau plutôt efficient. Entre pigeons voyageurs, messagers sûrs et une chance inouïe, ça marchait!
Au quatrième jour de leur hasardeuse virée entre puces et foin, plus Majesté mal lunée, ils parvinrent à un manoir campagnard où on leur dispensa un accueil chaleureux. Toni ne pigea pas grand chose mais accepta de très bon cœur d'être immergée dans une grande bassine d'eau chaude, de se savonner, laver ses cheveux et passer des vêtements propres pour après partager la table avec les maîtres de céans. Martin avait eu aussi droit à un traitement pareil.
Sa Majesté apprécia certainement moins ce relais, en fait,le cher homme était dans un état second et on ne tira rien qui vaille de lui. Amen. On ne parla de lui que comme M. Durand, laissant à Jacques l'honneur de veiller son sommeil et s'occuper de lui.

Pas à dire, ces bonnes gens ont bien saisi le sens de "secret", souffla t'elle à Martin, oui, je me sens beaucoup mieux...la crème que tu m'as donnée aide...ça ne pique plus tellement...t'en fais pas pour la nuit...tu sais comment ça marche...

Le seul problème est que là, il n'y avait qu'un lit et pas de divan.

Euh...bon, tu dors de ton côté, moi du mien...*Ça devrait marcher en principe!*

C’était sans compter avec ce qui semblait être une sorte d'attraction inconsciente qui pendant leur sommeil les poussait l'un vers l'autre.

*Décidément...les pingouins...*

Dieu merci, on changea charrette de foin contre berline peu reluisante, mais qui s'en plaindrait. Ça grinçait de partout, était inconfortable et on était quittes pour un sacré tour de reins mais on avalait un peu moins de la poussière du chemin, il n'y avait pas de puces, ni trop de mouches, ni des taons, certes il y faisait chaud mais c'est su qu'on ne peut pas tout avoir. On suivait strictement le plan, à Lyon il y aurait un autre changement et de là on filerait vers Marseille où les attendait un navire anglais pour accueillir "on sait déjà qui" et l’emmener loin de la France.

M. Durand continuait de très mal accepter sa nouvelle condition de citoyen du commun.

Je ne sais plus comment vous tourner ça!, s'exaspérait Toni, alles ist weg...foutu...kapput! Oubliez le passé...vous n'en avez plus que faire...Bon Dieu, Martin...je vais lui taper dessus!...Ça suffit!!! À vous écouter...je comprends presque qu'ils aient si envie de vous zigouiller...MOI, moi, moi...dire qu'on se donne un mal de chien pour sauver votre tête...alors qu'elle ne vous sert pas à grand chose...

Le pauvre homme n'en revenait pas. Mais Martin eut l'idée de lui refiler sa montre à gousset, souvenirs des splendeurs du Titanic...et, ô miracle, on eut la paix!

HALTE LÀ!!!...DESCENDEZ VITE FAIT!!!


Un coup d’œil en douce suffit pour les renseigner du genre de problème qu'ils avaient là.

Pas des soldats...ça paye pas de mine si tu veux mon avis...oui, je l'ai...je ne descends pas, moi!

Pour si jamais, Martin fila vite fait une gentille dose d'éther au Roi, pas question qu'en plein émoi, il ne l'ouvre et fiche en l'air l'opération.

Mais alors, vous descendez!!!, s’égosilla le mécréant de service, ou je dois le descendre, votre cocher!?

Ah non, quand même pas! Ils ouvrirent la portière. Quatre hommes l'air pas accommodant du tout, armés jusqu'aux dents, ne semblaient qu'attendre pour ne faire qu'une bouchée de ces voyageurs.

Vos bijoux, votre argent!

On n'a rien, assura Toni en faisant écho des dires de Martin, rien de rien...pauvres...on nous a tout volé...

Bien sûr, de là à qu'on les croit! L'avantage sans égal d'une arme automatique du 21ème siècle est que c'est rapide, ça tire plusieurs coups, 15 en ce cas, sans besoin d'autre chose qu'appuyer sur la gâchette. Le brigands en prirent pour leur grade et déguerpirent plus vite qu'ils n'étaient venus en laissant deux de leurs compères gisant dans le fossé.

J'ai...tiré sans regarder...je ne voulais tuer personne!
, gémit Toni.

Martin la rassura. À la guerre comme à la guerre, mais là il devenait prioritaire de changer d'équipage, d'allure pour si jamais il prenait aux voleurs de grand chemin l'envie de parler un peu trop.

Lyon fut dépassé sans s'arrêter. Le soir tombant, nouveau manoir de campagne. On les attendait. Nouvelle bassine d'eau chaude, d'autres vêtements, superbe dîner, lit confortable, encore un seul parce qu'à cette époque on ne connaissait pas autre chose, et au petit matin un nouvel équipage bien plus fringant cette fois, une escorte armée et le fait d'être devenus du soir au lendemain,à nouveau des nobles anglais se rendant à Marseille pour embarquer vers Malte  en compagnie d'un parent malade et son serviteur.

Pour alors Sa Majesté était méconnaissable. Il avait perdu énormément de poids, ce qui semblait ratatiner un peu sa grande taille, hâve, pâle et incohérent, rongé d'une mauvaise fièvre, il donnait très mal l'image du Roi, pour alors recherché dans chaque coin du pays par les limiers de La Fayette.

Le port de Marseille grouillait d'activité. Ils avaient deux jours de retard sur le planning établi. Entre brigands, orages, essieux cassés et chevaux déficients, c'était encore un miracle d'y être arrivés, et encore plus de trouver leur contact anglais.

Nous sommes en rade depuis deux jours, informa le jeune lieutenant de corvette Depleach, le capitaine avait ordre appareiller hier soir mais le message est arrivé juste à temps...Vous avez fait un travail formidable...La dame a été embarquée comme prévu et les enfants sont aussi en sécurité...ce message est arrivé pour vous, Lord Lescot!

On se donnait rendez-vous à Lyon...

Au moins on n'aura pas tout le chemin à refaire, soupira Toni, j'en ai marre de cette époque...de ce corset...oui, tu peux le dire, au moins je comprends un peu plus le français...j'espère que cette fois Majors va la coller...


Mais ça, bien entendu, restait à voir... Qu'on lui coupe la tête...  1042857067
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Martin Lescot
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MessageSujet: Re: Qu'on lui coupe la tête...    Qu'on lui coupe la tête...  EmptyJeu 5 Mai - 13:14

Déjà qu’Hawaii ne fut pas triste, que dire de l’aventure sur le soi-disant insubmersible Titanic ?
Cela n’avait pas été particulièrement amusant, quoique… Enfin, cela l’aurait sans doute davantage été si Toni ne les avait pas faits mettre sous haute surveillance. Martin n’avait jamais été un noceur, sauf récemment avec Dave, mais quand il vit la splendide salle de bal, il regretta de ne pouvoir y amener Miss Fischer dans des pirouettes de salon. Tant pis ou tant mieux car depuis le temps qu’il ne s’était pas exercé, Marin pensait être rouillé.
Ils avaient accompli aussi bien que possible la mission qu’ils s’étaient donnée, et le Titanic ne coula pas.  A tous les moments cruciaux, Martin fut là pour cette pétillante Toni étonnante à plus d’un titre.  Déjà qu’elle possédait une mémoire quasi photographique, quelle surprise ne leur réservait-elle pas encore ? Non, bien sûr que non, le mini-baiser n’avait rien à voir là-dedans, voyons !
C’était idiot de sa part, mais Martin avait beaucoup de mal à oublier cet instant fugace. Il y pensait d’ailleurs quand, à peine la statue de la Liberté saluée, tout le groupe fut aspiré à nouveau. S’ils avaient nourri l’espoir d’enfin rentrer tirer les bretelles de Majors, ce fut raté.
On se bouscula, se chamailla dans l’obscurité. Un pied écrasé ? Oups…
 
*De la lumière… ? *
 
Geste inconsidéré sur le moment, Martin avait chapardé un briquet sur le navire, non par cleptomanie compulsive mais juste parce que ce genre de truc était utile, parfois. Preuve en était.
On visualisa ce que l’on put jusqu’à découvrir plus ou moins l’époque dont datait cette cave basse, très basse pour certains crânes.  
Il se retint de jurer lorsque le couperet de la révélation tomba… Révélation, révolution… cela puait la guillotine en France. De Charybde en Scylla, on se fit pincer joliment bien avant d’avoir eu le temps de lire tout ce que Majors avait à révéler de ses recherches.
Monter à l’échafaud ? D’une façon oui sauf que – Dieu du Ciel – il ne s’agissait encore que d’un escalier de bois menant à l’étage.  Ils auraient pu amorcer une défense vigoureuse mais Henry préféra le jeu de la diplomatie.  Leur escorte – de quelle nature qu’elle soit - demeura muette sur les intentions en les menant à un salon-bureau. D’après ce que Martin enregistra au passage, cette maison était aisée. Henry prit immédiatement les devants en inventant une fable à rire ou à pleurer.  
 

*Un concours de déguisements du futur ? *
 
Personne ne croirait une fable pareille. Et pourtant…
 
Ces gens sont bizarres et très impolis, dit-il quand on les confina dans une autre pièce.
Ils ne se sont même pas présentés !  À part un vague Pierre, on sait que dalle sur eux. Que fichent Dave et Nell, ils ont la tablette…

 
On se doutait qu’ils en feraient bon usage, n’empêche que…  
Louise et Toni étaient calmes. Si Henry angoissait, il le cachait bien. Féru d’histoire et d’ascendance française, Martin les imaginait déjà menés à la conciergerie. Cependant, à y réfléchir, si les hommes rencontrés étaient sans taches pour le régime actuel supposé, cela aurait déjà été fait. Donc…
 
… ils nous ont traités avec civilité tout en se méfiant. Ils ourdissent des tucs, ma main à couper... Louise, tu as ton arme ?...
 
Intérieurement Martin bouillait d’être piégé de la sorte. Avec du matériel, il aurait pu…  
Leurs hôtes revinrent les visiter un court instant.
 
Nous n’avons pas encore statué sur votre sort, déclara l’ecclésiastique. Joseph vous fait préparer des chambres pour la nuit. Peut-être sous reverrons-nous avant.
 
Le visage animé de tics nerveux, le plus petit - nommé Pierre - semblait faire de grands efforts pour la boucler.
Les rafraîchissements promis suivirent, et on les laissa seuls.
 
Cette fois, on est cloitrés, râla Martin en essayant la clenche de porte.  Allez Henry, sors-nous une autre brillante idée… oui, je m’énerve… je déteste être enfermé, voilà tout.
 
Cela ne dura guère car on perçut quasi aussitôt le bruit de clé inverse.  
 
Dave, Nell ? Ravis de vous voir. Que fichiez-vous ? …
 
Ils avaient obtenus quelques infos de Majors pendant le court stage à la cave. On profita de la tablette pour en réclamer d’autres ainsi que du nécessaire :
 
Johnny, on peut choper la crève ici. L’hygiène est déplorable à cette époque. Joins des médocs, des antibios, un peu de tout…
 
On se pressait autour de l’écran, y lisant des trucs à frémir sur la période exacte où ils étaient tombés.
Dave résuma bien la situation : ils étaient dans la merde, en plein chez ceux préparant la fuite royale.
Le temps d’enregistrer le topo délivré par Majors, voilà que leurs geôliers se pointaient. Ils savaient compter…
Clayton improvisa au mieux en les enrôlant, sans préavis, tous dans les services secrets…
Leur histoire était parfaitement plausible, plus que la fable pondue par un Henry encore peu renseigné au moment de la servir. LA preuve finale vint avec Toni qui, sans sourciller, débita une liste des conjurés presque complète. Bilan, il y aurait débats mais pas après une nuit de conseil.
 
Partager la chambre de Toni était embarrassant, et marrant.  Au moins, la mignonne petite ne se plaignait pas d’inconfort.
 
*Elle a une capacité formidable d’adaptation…*
 
Pas du tout comme son ex-future fiancée qui, avec du recul, n’était qu’une fieffée emmerdeuse, avide en sus.
Au matin, les ablutions furent sommaires, hélas. Les « parfumeurs » de cette époque préféraient masquer la peste sous des litres d’eau de roses que d’eau tout court.  Malgré lui, Martin imaginait les possibles dégâts encourus par l’hygiène défaillante :
 
*J’espère que tout le monde a eu ses vaccins…*   
 
Leur hôte tenait à voir ses « invités » en gens « normaux ». Sincèrement, Martin préférait un bon jeans et T-shirt à ce jabot à froufrou et cintrage du torse aux mollets.  Toni, ne se plaignait toujours pas sur son sort sauf une certaine pointe d’envie et rancœur d’être exclue des futures réunions :
 
...vous allez conspirer ou jouer les jolis cœurs!?...Nous, ben, vu qu'on ne veut pas de nous...on va se balader par là!
 
Tu es très bien dans cette tenue, je t’assure. Je n’y peux rien si ici seuls les hommes ont droit de parole mais, toi, tu vas pouvoir circuler sans te faire remarquer *si tu la boucles en temps utiles*. Si tu en as l’occasion, ce serait absolument génial de nous procurer de l’éther. Tu sais, ce truc qui pue dont nous nous servons surtout chez nous pour décrasser des colles. C’est aussi un anesthésique puissant quoique incommodant… On est rue St Honoré, au 47 ; habite Lavoisier. *Misère ce que j’aimerais le croiser* Tu as les pierres ? … Trois flacons feront l’affaire, sois très prudente…  femme !
 
Il rigola en évitant un flacon expédié de main ferme.
 
La 1ère réunion fut comme prévue : houleuse.
 
*Ces ânes bâtés ne voient donc pas que leur projet est voué à l’échec ? *
 
Un à un, les « espions » dévoilèrent les failles de ce plan ridicule :
 
Franchement, faire traverser L’Est  avec des domestiques en livrées jaunes… Vous pensez que personne ne remarquera rien ? Je vous signale que notre cher Roi a son effigie sur maintes pièces de monnaie, or il faudra bien en sortir plus d’une en route ! La reine risque de se perdre dans les faubourgs dont elle ignore les méandres, l’horaire ne tient pas la route avec une berline aussi voyante comme le dit le colonel Clayton !
 
Henry, Dave et lui jouaient une étrange partie de tennis contre des adversaires très méfiants voire hostiles. Si des arguments firent mouche, ils se gardèrent bien de les agréer d’emblée.
Ces messieurs devaient réfléchir… Eux aussi.
Retrouver Toni fraîche comme une fleur de jardin fut un ravissement dont il tut son éblouissement, trop agacé des palabres stériles de sa journée. Elle avait accompli sa mission avec succès :
 
...Oui, on a rencontré M. de Lavoisier et j'ai ce que tu voulais...oh, après on a fait un peu de tourisme...
 
Super ! Il est comment ce mec… ? Tu as eu une journée bien meilleure que la nôtre qui avons essayé de convaincre ces obtus que rien de leur plan ne fonctionnera. Tu as pu manger convenablement ?...Poulet… ? … pour les frites et la sauce( rire), faudra attendre à moins que Majors n’ait un sursaut de conscience pour nos estomacs. Suis désolé d’écourter, suis claqué.. ; le divan ? On peut inverser… ?

 
Cette promiscuité avec une fille très attirante le démangeait plus que voulu mais Martin, type réglo, avait décidé de tirer un trait dessus. Le petit échange sur le Titanic ne signifiait rien pour elle, c’était clair à présent. Lui… Bah.
 
*Quand vont-ils piger ???*
 
Inimaginable ce que ces gens étaient butés. Sous prétexte que le plan avait été issu de la tête même du Royal intéressé, il devait être infaillible.  
La liste des failles s’éplucha à nouveau. Cela hésitait mais n’était toujours pas convaincu.  
 
À moins d’un flingue sur la tempe ou d’une forte dose d’éther à défaut de chloroforme, on n’arrivera à rien, explosa légèrement Martin dans un des rares apartés permis avec ses amis.

Puis tourner en rond ainsi, m’agace !  
 
Il y avait aussi d’autres choses qui l’énervaient mais il n’en dit pas mot.  
Henry, par lubie ou sentant qu’il serait bénéfique de changer d’air, décida d’aller manger dehors.  
 
*On va encore les laisser seules…*  
 
Remords ou soulagement ? Lescot ne savait pas trop. D’une oreille distraite, il entendit les commentaires de Dave quant à certaines odeurs…
 
*Pas tort… ça pue l’arnaque…*  
 
Ouais, il y avait des rats et l’air était malsain à plus d’un titre. Au moins, grâce à Majors, ils étaient armés convenablement.  Martin avait déjà tiré… pour le sport. Il avait effectué son service mais refusait toute cible hors papier carton.  L’attaque fut soudaine et brutale. Un réflexe joua, le colt parla… en l’air.
 
Dave, t’es pas cool, t’aurais pu… Nom de Dieu !! Dave !!!  
 
Force fut de constater que Clayton avait une parfaite raison de non-intervention.
 

*Une estafilade ? Mon cul, oui !*
Henry, de la lumière ! Vous autres, une table. Je dois voir !!!  
 
Des curieux, attirés par l’échange de tirs, avaient rappliqués. Beaucoup s’évaporèrent mais le patron du « chat bleu » insista pour ramener ce beau monde à l’intérieur surtout quand une bourse garnie lui échut.  Dave était dans les vapes, bonne chose.  Ayant réclamé de l’eau bouillie, Martin se frictionna comme il put avant d’enfin visualiser les dégâts.  
 
*Moche…*  
 
Mentalement, à la vitesse express, il vit tout le protocole normal défiler.
Le sondage sommaire de la profondeur de la plaie lui donna des sueurs. Intervenir sur place exigeait trop de palabres inutiles. Ils n’étaient pas si loin de leur logis. Il trancha :
 
Des linges, les plus propres possible. Tiens bon, Dave, ça va secouer.  
 
De l’émoi de son entourage chez le Marquis, Martin se ficha.  Pour la 1ère fois, il eut un aperçu des misérables conditions d’exercice de sa profession au 18ème siècle. Pas de ci, manque de ça, à se demander comment les gens survivaient. Dave s’en sortirait car il était en de très bonnes mains avec un appui logistique non négligeable. Pas besoin de tensiomètre pour évaluer l’évolution.
 
On va devoir le transfuser…  
 
Misère, comment procéder avec quasi rien ?  Ouf, Nell était donneuse universelle mais le matos n’était pas du tout adéquat.  Impossible de procéder directement. Ponction et injections oui…
Lent procédé que Nell supporta en pâlissant tandis que Dave reprenait des couleurs.
Les sutures au fil de couture tenaient…
Plus tard, Martin s’en voulut d’avoir complètement perdu ses bonnes manières. Il avait ordonné, aboyé, engueulé sans retenue pour sauver son pote.  
Dave survécut.
Après une longue veille à surveiller réactions et température, Martin se sentait lavette.
Il n’avait pas un instant réfléchi à ce qui avait amené à cette triste situation, mais Nell accusa de Bourcet de les avoir délibérément attaqués près du chat bleu. De plus, elle éventa le plan conçu par ces dames…  
 

*Oh, Mon Dieu… ? En charrette… avec le roi… ?*  
 
Dans le fond, c’était ce que lui-même avait pressenti. Jamais le roi de France ni aucun membre de sa famille n‘aurait adopté d’emblée un tel plan d’évasion. L’éther fonctionna à merveille de leur côté. 
Toni était marrante en femme du peuple prête à défoncer la tête de ceux qui contrecarreraient leur évasion. Sauf qu’elle souffrait des puces chopées dans le foin de la charrette qui les véhiculait en bringuebalant très lentement sur pavés et ornières.  
 
J’ai de la liqueur de benjoin, de l’arnica… ça pourrait soulager…  
 
 Dis, Martin...tu as peur?  Pourquoi ? J’ai l’air de ? ...oh non...juste pour savoir que je n'étais pas la seule... Je me demande ce que deviennent les autres... Moi aussi. Mais ça va aller. On débarque ce gros type à Marseille et on se taille.  ...au moins, grâce à Majors on a de quoi se défendre.. *Pas contre tout…* Oui, oui, on est paré. Tu veux manger ? ...Non...je n'ai pas faim... un peu d'eau me suffira...  
 
Pourquoi avaient-ils hérité du plus lourd trésor royal, d’un gars qui n’admettait pas d’être séparé des siens et d’être crapahuté en si minables conditions ? 
Les relais se succédèrent.  La proximité de Toni démangeait Martin plus que les quelques puces chopées lui aussi. Tous les soirs, il avait au moins le bonheur de la serrer contre lui  mais un mal fou à résister à certaines envies inconvenantes. Fatigue aidant, précarité de la situation, on cahota gentiment vers Lyon jusqu’à ce que des malandrins s’interposent.
Toni tira, lui aussi sauf qu’il rata et pas elle.
 
C’est rien, lui assura-t-il sans en penser le 1er mot. On doit se défendre, rester en vie est notre priorité. On a déjà changé le cours de l’histoire connue. Si ça tombe, sur une autre ligne temporelle, ce gars est bien en vie et papa de 8 gosses !  J’en ai un peu marre de ce train de paysan. On en change, ok ?  
 
Oh oui, on changea !
Vaguement, Martin se rappela un vieux film « à pied, à cheval, en bateau° Bref, ils modifièrent souvent les transports prévus mais finirent à bon port avec…
 

2 jours de retard, on est foutus !
 
Lord Lescot ? Cela le fit se marrer. Selon les directives les autres colis étaient regroupés, à eux d’en faire autant.
 
On doit revenir sur nos pas, à Lyon. Tu es assez en forme pour ça ?
 
Toni ne se plaignait que de son corset…  
 
Tu portes encore ce truc ? Je l’aurais envoyé balader depuis longtemps. Qui regarde à ça ? .. ok, ok, je pige rien à la mode, aux tendances et je confirme qu’il nous faut un bain d’urgence.
 
En ville, les bains publics faisaient de la ségrégation, hommes d’un côté, femmes d’un autre, et tous en tenue correcte. Par contre, la Méditerranée se fichait du sexe ou de la race. Ils y barbotèrent joyeux comme des enfants en récréation.  
Ils avaient réussi, non ? Alors pourquoi se priver d’un petit plaisir ?
Et vas-y que je t’asperge,  que je te chatouille, te coule par les pieds ou la tête, juste pour rire.  Ils ne s’en privèrent pas jusqu’à ce qu’une vague traîtresse ne les colle l’un à l’autre.   
Ses Mains enserrèrent machinalement la fine taille dénudée de la demoiselle. Il pataugea :
 
Toni… je dois te dire que… (vague énervante).. ; que tu es… (gloups, c’était salé cette eau ) … que je t’.. AÏE !!!  
 
Merde, merde, ça brûlait affreusement.
 
… des méduses… Suis… allergique… rivage… pipi... vinaigre, alcool chaud…  please, bitte…   
 
Il se sentait gonfler pire qu’une outre cuite au four. Comment Toni s’arrangea-t-elle pour le sortir de là, elle seule le sut.
 
La balafre au mollet encore sensible, Martin put clopiner jusqu’à ses vêtements grâce à l’appui d’une épaule solide qu’il remercia brièvement. Histoire d’éviter de commenter cet épisode, on se rhabilla en silence.  Une longue route inverse les attendait encore. Aussi, quelques heures de sommeil s’apprécièrent après des sardines grillées achetées sur la jetée.
Marseille n’était pas une ville sûre. Tant de nationalités s’y croisaient, de même que des chaînes de galériens.  
 
Plus vite on sort d’ici, mieux ce sera.  
 
L’unique monture qu’on leur céda contre sonnant et trébuchant ne payait pas de mine.  Toni n’était jamais montée à cheval. Qu’à cela ne tienne, elle apprit sur le tas.
 
… J’en ai fait il y a des siècles, rigola Lescot
 
Il lui parla de ses tournées en pleine cambrousse quand la voiture s’embourbait. Elle se marra. En fait, Lescot était plus fin cavalier qu’avoué mais ce n’était pas cette vieille jument qui le prouverait.  
Pour leur sécurité, ils évitèrent les routes très fréquentées.  La missive reçue à la remise du trésor royal avait été très succincte sans doute pour ne pas être décryptée par des non-initiés en cas d’interception.  Lyon, lion d’or…
 
*Plus vague que ça…*
 
Que faire d’autre que de causer en chevauchant au pas d’homme ?
Il la maintenait devant lui, ce qui offrait maints avantages. Admirer sa nuque, la finesse de ses attaches, Martin ne se priva pas tout en se racontant un peu.  
 
Paris me pesait, j’avoue. Pour certain, c’était la consécration. Moi, je n’aimais pas ces défilés de gens à peine entrevus avant de les ouvrir en salle d’op.  Revenir à la médecine de campagne a été salutaire même si les consultations y étaient souvent banales et à rallonge vu les potins incontournables à subir. Mais au moins, j’y côtoyais de vraies personnes. Parler est parfois plus guérisseur qu’un acte posé…
 
Si Toni regardait droit devant elle, elle écoutait et posait de temps à autre des questions, pointues.  
 
… ce qui m’a ramené aux sources ? Une femme. Idiot, non ?  J’étais fou d’elle, prêt à l’épouser et à adopter son gamin, mais elle s’est bien fichue de moi… oui, j’aimais le gosse, il me manque parfois…  

Et toi ? Juste apprendre le français ??... Arrête de le massacrer volontairement quand ça te chiffonne… 
 
Les épaules droites se secouaient… de rire.  
 
Il y eut deux jours et trois nuits.  
La brave haridelle fut confiée au premier palefrenier des abords lyonnais.
 
Si j’ai pigé le message, on devrait se regrouper au lion d’or… Je sais pas, renseignons-nous.  
 
Ils ressemblaient à des paysans fourbus et poussiéreux en déambulant en aveugles parmi une foule  dense plus ou moins bien lotie qu’eux.  
 
Pardon, vous connaissez le lion d’or ?...
 
Combien de fois posèrent-ils la question ? Oh, ils trouvèrent plusieurs établissements du même nom, trop à leur goût puisque, apparemment, cette enseigne faisait fureur dans le coin.
Le sixième fut le bon.  
Dans la salle enfumée par pipes et rôtissoires, un couple se leva à leur entrée. Henry et Louise parurent ravis de les voir, les invitant vite à les rejoindre.  Une grosse chope de bière vidée, une autre suivit. Leurs amis contèrent leurs mésaventures, eux les leurs.
 
Des nouvelles des autres ? dit Martin en s’essuyant des reliquats de mousse de sa moustache naissante.   
 
Aucune… Si Toni possédait encore le boîtier, Dave et Nell avaient la tablette.
 
Si la batterie est foutue… *On l’est aussi…*   
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Louise Stark

Louise Stark


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MessageSujet: Re: Qu'on lui coupe la tête...    Qu'on lui coupe la tête...  EmptyVen 6 Mai - 20:43

Une des règles d'or pour le bon déroulement d'un plan est de bien contrôler la situation.

* Situation contrôlée?...C'est mal barré!*

Louise ? Louise, vous allez bien ?

Je pense que oui, Henry...je crois bien être encore d'une pièce! Mais...où sommes nous?

Une cave sombre, pleine de tonneaux . Décidément pas reluisant et très peu prometteur, surtout quand le cher Dr. Warrington crut deviner l'époque dans laquelle ils venaient d'atterrir si brusquement.

*HEIN? La Révolution Française!?...et quoi encore!?*

La tablette numérique fonctionnait correctement, Dieu merci. John Majors s'activa follement pour les situer avec précision en temps et espace.

Louise ferma un instant les yeux et se massa les tempes pour enrayer la migraine qui se pointait. Autour d'elle, les jeunes donnaient leur avis tandis qu'Henry décidait de goûter ce bourgogne qui avait si bien attiré son attention.

*Il n'y a que lui pour penser à ça!...Mince, on vient!*

Eh oui! Ce fut genre rapide et sans appel. Le bonhomme qui les découvrit fila aussitôt en quête de renfort, et on parait vite au besoin là, car il ne tarda pas à revenir avec deux autres. On avait pu, entretemps, décidé de se la jouer à la diplomatique, mais Louise se tenait prête à n'importe quel changement d'avis intempestif.

...mon épouse Lady Louise!

Elle se contenta d'un hochement de tête et un petit sourire discret, tout en observant le comité d'accueil.

*L’ecclésiastique, mesuré, bon sens...le tel Pierre, énervé, sournois, faux sans doute, quant au troisième ah, celui là...grand seigneur dont la parole est loi mais pas moins nerveux pour autant...on est tombés au mauvais moment...mais peut-être pas au mauvais endroit!*

Parce que si elle avait bien compris, c'était justement là que se jouait l'affaire du moment: la fuite de la famille royale. Louise était calée en histoire, cette circonstance, de triste souvenir, ne lui échappait pas...et en toute évidence, elle n'était pas la seule à y penser.

Ce fut plutôt la suite qui lui échappa quelque peu, trop prise à ses réflexions. Henry racontait un peu n'importe quoi, ce qui, contre toute attente, sembla convenir à leurs hôtes.

*Simplets ou font semblant!?...Un peu des deux, sans doute!*

Ce qui s'en suivit fut tout un poème. Une espèce de petit drame à tenants rocambolesques. Tombés en pleine conspiration dont ils connaissaient tous les éléments, bons et mauvais, ces derniers l'emportant par ample majorité, l'étonnant aurait été se refuser le droit d'intervention.

Ainsi fut fait! Pas sans peine, cela va de soi. Convaincre ces acharnés de royalisme et bonnes intentions, de leurs erreurs monumentales ne fut pas tâche aisée et en ces temps de révolution, les hommes faisant leur loi à eux tous seuls, les femmes n'étaient bonnes que pour la fermer et suivre le mouvement au cas où on leur demanderait de le faire.
Décidément être une femme au 18ème siècle n'avait rien de trop engageant.
Mais bien entendu, ce n'était pas du tout le genre de ces dames aux avis si éclairés, habituées à prendre leurs décisions sans compter sur ce que pourraient penser les autres, en l’occurrence leurs pseudos maris et toute la clique de conspirateurs.
Louise observait,  tirait ses conclusions et en faisait part à ses jeunes amies, laissant le loisir à leur jeunesse et dynamisme de mener la ronde, sans pour autant baisser la garde. Majors, de son côté, brave gars, se décarcassait comme dingue pour satisfaire leurs demandes de matos et information. C'est ainsi, qu'on compta avec un gentil petit arsenal d'armes de poing, munitions ainsi que médicaments et autres articles indispensables pour pallier les énormes carences de ce siècle d'angoisses.

*Une douche, du shampoing, du déo...mes dessous...pas de corset...*

Henry était bien le seul à jouir pleinement de l'expérience. Certes cela confirmait et reconfirmait sa génialité. Être tombés en pleine révolution n'était qu'un avatar comme un autre de ceux dont est jonché le chemin de la science. Néanmoins son enthousiasme tomba au 36ème dessous quand Dave faillit laisser la peau lors de l'attentat concocté par cette fouine de De  Bourcet.
Mais ce fut justement cette traitrise innommable qui fit basculer le jeu.
Leur plan fut accepté, remanié, peaufiné jusqu’à obtenir un résultat idéal pour tous, du moins c'est ce qu'on espérait.

Génial...et nous deux on se farcit les enfants!, grommela Louise qui ne finissait pas d'agréer le fait, qu'est ce qu'on sait d'enfants!?...Ah non, toi tu aimes les mioches?...Moi? Qu'est ce que j'en saurais? J'en ai jamais eu...tout comme toi...Oui, c'est gentil tout plein, ricana t'elle, sais pas d'où tu sors ça!...Les enfants sont des petits tyrans retors et manipulateurs...et ceux qu'on va prendre en charge doivent être particulièrement difficiles...mais non, voyons, je ne suis pas fâchée...

En tout cas, cette nuit là, le cher Dr. Warrington goûta du confort du divan alors que pendant tout ce temps, leur arrangement si civilisé lui avait laissé le loisir de ronfler dans le lit alors que Louise, très à son aise squattait ce qui restait à squatter!

21 juin 1791. Tard dans la nuit.

Louise souffla, agacée. Il fallait admettre que voyager entre cageots vides et ustensiles divers n'était pas le summum du confort, surtout pour les trois personnages, rangés en front commun, face à elle et Henry.

Je comprends, dit-elle, sans hausser la voix, que ce ne soit une situation très plaisante mais il faut s'y faire...

Je veux retourner aux Tuileries..., commença Madame Royale, du haut de ses 12 ans et demi.

Il n'y a pas de retour possible, mon enfant. Cette fois, il n'y a pas de choix...je vous en prie, Madame Elizabeth, n'empirons pas les choses...se lamenter ne sert de rien...nous n'avons que quelques minutes pour peaufiner notre jeu...CHUT! Je sais, c'est dur, tragique, difficile et vous avez peur mais il en va de votre vie...et de celle du Roi et la Reine... 

Elle était brusque, pas trop rassurante. Henry prit le relais , débonnaire, adorable, facétieux, amusant. Il raconta l'histoire à sa façon, la tournant de sorte qu'au bout d'un moment, leur virée était une aventure incroyable, magique presque et les enfants, et Madame Elizabeth, la sœur du Roi, en passant, ne perdaient pas un mot.

Alors on joue à que tu es ma grand-maman?, voulait savoir le petit Dauphin.

C'est cela, mon ange...

C'est le Dauphin, pas votre ange!, se rebiffa la royale princesse, vous n'avez aucun droit de vous adresser à lui de la sorte!

Louise dévisagea la demoiselle si imbue de protocole.

Il m'a pourtant semblé que vous aviez compris! Non, je n'admettrai pas un mot de plus...Excuse moi, Henry, mais cette gamine peut tout faire foirer, la miss en question ouvrant la bouche, elle la fustigea d'un regard virulent, à partir de cet instant TON nom est Rosalie, tu es ma petite fille et c'est tout...ton frère est Jean François et Madame est votre gentille gouvernante...Clarisse de Montjoy...un mot de trop, une hésitation et tout peut mal tourner...Compris, mon petit!? Nous faisons tout notre possible pour vous réunir avec vos parents...mais un conseil...oubliez ce que vous avez été jusqu’à ce jour...

J'aime ce jeu!, chantonna le Dauphin, décidément plus facile à vivre que sa grande sœur, j’aime Grand.Maman et Grand-papa est amusant!

Oui, mon petit, il est vraiment très amusant!, admit Louise en coulant au marrant de service un coup d’œil pointu.

Henry prenait la situation avec philosophie et bonne humeur. Oh oui, pour de la bonne humeur il semblait avoir à en revendre. Elle ne l'avait jamais vu aussi détendu et jovial. Certes il avait avoué aimer les enfants mais Louise avait pensé à une simple sympathie, de celles qu'on éprouve en croisant un gentil marmot. Mais non! Le Dr. Warrington s'entendait avec les petits monstres, les faisait rire, comprendre, être sages...

Et ils quittèrent Paris sans encombres, papiers en règle et enfants entrant dans le jeu et leur tante faisant des efforts pour ne pas dépareiller.

Triste équipage, le leur. Point de confortable attelage, ni de fringants coursiers. On serait moulus en arrivant au Pas de Calais.

*Si on y arrive...faudrait changer ça!*...Henry...nous devrions emprunter un attelage décent!...Oui, emprunter n'est pas le mot juste...mais à ce train, on mettra trois jours...je sais, notre ami a bien dit qu'il n'y aurait pas de relais sur cette route...que nous devrions nous débrouiller...Henry, ils ont misé tous leurs moyens sur les parents...Pas de souci, mon ami, on va se débrouiller...n'oublie pas que je suis une femme pleine de recours!

Le laissant avec la riposte toute prête, elle se hissa à côté du cocher. M. de Valory écouta attentivement son plan et reconnut que c'était réalisable.

En s'y prenant avec discrétion...personne ne remarquera rien jusqu'à demain...pour alors, on sera suffisamment loin!

Vous n’avez pourtant pas l'air d'un brigand de grand chemin, Madame...mais si la façon de vous y prendre...ne seriez vous pas...

Louise eut un sourire en coin.

Rassurez vous...je suis parfaitement honnête!

Le plan fut exécuté en deux temps trois mouvements. Une auberge de bon aspect fit l'affaire. Le garçon d'écurie , de faction cette nuit là garderait une belle bosse en souvenir, il trouverait au lendemain, dans sa poche  bourse bien garnie, pour ses peines et retombées. Une confortable berline avec un attelage de quatre chevaux, filait bon train sur la route de Calais.

Ce ne fut pas un voyage dont on garderait de bons souvenirs. Madame Royale fit, malgré tout, des chichis tout du long, allant même jusqu'à se feindre malade et essayer de s'enfuir, pour assurer ensuite croire qu'on voulait l'enlever. Sa tante Madame Elizabeth ne fut pas de grande aide, elle choisit de se lamenter sur tous les tons du manque de confort, de manières. Le petit dauphin fut bien le seul à prendre les choses d'un bon allant et finit par s'endormir dans les bras d'un Henry attendri.
Au matin on fit une pause en route, pas question d'arrêt auberge. Hauts cris, protestations outrées. Apparemment pour ces royales personnes le sain conseil de hercher un buisson et soulager les besoins de la nature équivalait à quelque crime de lèse-majesté.

Désolée pour vous, fulmina Louise dont la patience avait atteint sa limite, mais pas de pot de chambre ni rien de semblable...si je peux, vous pouvez aussi...et croyez moi, c'est toujours mieux que perdre la tête...et ce n'est pas du sens figuré!

Après la pénible épreuve, on se régala du contenu du panier bien garni que Louise avait eu idée d'amener. Estomacs calés, sous certaines protestes, cela va de soi, nièce et tante boudèrent dans leur coin, alors que le Dauphin et Henry tenaient compagnie au cocher en riant.

J'ignore à quoi vous vous attendiez, mesdames, mais ce qui va s'en suivre ne communiera certes pas avec ce que vous aviez en tête...On a trouvé le moyen de sauver vos têtes...il faudra recommencer ailleurs, sous de meilleurs augures...la vie es un don précieux, j'espère que vous saurez en tirer le meilleur parti!

Aucun écho, positif ou négatif ne se laissa entendre.

*Tant pis, tant mieux, moi, je ne veux que rentrer à mon siècle et rester trois heures sous la douche!*

Ils atteignirent le Pas de Calais sous une bruine inclémente, dans un décor dépriment décliné dans la palette des gris. Ciel plombé, mer d'ardoise. Ils abandonnèrent leur attelage dans une ruelle, près du port, e qui, bien entendu, suscita de nouvelles plaintes de la part "d'on sait déjà qui " mais Henry et Louise optèrent pour les ignorer alors que le brave de Valory allait prendre des nouvelles. Il ne tarda pas à être de retour:

Le Stirling Cloud est là, comme prévu...ils nous attendent...venez avec nous, la France n'est plus sûre!

Ne vous faites pas de souci pour nous, dit Louise, nous nous en sortirons...allons-y, on ne sera tranquilles que jusqu'à vous savoir à bord et quittant le port!

Le capitaine du Stirling Cloud accueillit ses passagers, sans, pour les effets déjà connus, montrer aucune déférence particulière.

Et voilà, mission accomplie, murmura Louise en s’accrochant au bras du Dr. Warrington, trois vies sauvées...et maintenant, pour bien faire avec le message reçu...allons chercher comment nous rendre à Lyon!

Pas question de s'y prendre à la comme on peut. Aucun besoin de se passer des bons services des diligences de l'époque, une espèce de Thalys de l'époque, cela vu avec grande imagination et optimisme, mais garantissant arrêts en bonnes auberges.

Déjà ça de gagné...Trois jours au moins de chemin...Non, Henry, je ne suis pas trop douillette, tu devrais déjà le savoir...Non, pas du tout...en fait, j'irai plus loin en t'avouant que cela faisait...très...très longtemps que je ne me sentais si bien dans ma peau...sans parler des petits ennuis de l'époque...ce que je veux dire est que je me sens...merveilleusement vivante!

Oui, c'était bien le cas de le dire...

Pendant ce temps à Cambridge, Majors peaufinait les derniers détails de ce qu'il pensait être la solution pour ramener ce beau monde à bon port...

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Henry Warrington

Henry Warrington


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MessageSujet: Re: Qu'on lui coupe la tête...    Qu'on lui coupe la tête...  EmptyMar 10 Mai - 20:18

Du Titanic prêt à couler à l’échafaud, ou presque, Henry ne savait plus s’il devait rire ou pleurer de voir son bébé fonctionner si… bizarrement. La fable servie à leurs hôtes semblait avoir pris modérément. Elle capota du tout au tout après que Dave et Nell les aient « délivrés ».  La tablette, elle au moins, restait fidèle et, par Majors avec qui ils pouvaient correspondre, les voyageurs surent exactement où et quand ils se trouvaient. Étant à demi français, Henry se sentait impliqué, peut-être autant que Martin.  Malgré qu’il se soit plus tourné vers les sciences, Warrington connaissait l’Histoire.  Dans ce pays, la révolution était en marche. L’âme royaliste ? Non, pas vraiment. Mais les injustices, ça Henry désapprouvait. Que le peuple soit en rogne après des années de joug monarchique n’avait rien d’extraordinaire mais de là à décapiter des gens à tour de bras, de couperet… ? Louis XVI avait des défauts, commis des bavures néanmoins il était surtout – aux yeux d’Henry – une victime de ses ancêtres. Le peuple voulait du sang pour laver son oppression ? Il n’aurait pas celui d’innocents héritiers des bourdes des autres.  Tous étaient d’accord là-dessus.  Il fallait juste convaincre un évêque, un marquis, et un ex-intendant de leurs bonnes intentions. Quand Dave leur déclara être des services secrets, Henry rigola en lui-même.  Son fils spirituel en avait de bonnes. Mais la sauce se lia mieux qu’avec ses affabulations personnelles.  Cependant, on continua à se suspecter mutuellement malgré des réunions à rallonges avec argumentation à faire pâlir les intéressés.  
 
Vous êtes sourds, ou quoi ? s’énerva-t-il lors de l’une d’elle. Nous ne cachons rien, nous connaissons tous vos plans, et ils sont à vomir. Une berline avec livrée des Conté ? Autant mettre une cible dans votre dos ou mieux une pancarte avec ROI écrit dessus.  Vous serez pris avant de franchir Varennes ! Louis sera reconnu à plusieurs relais. Laissez-nous…  
 
Il expliqua ces débats sans fin à une Louise réservée, voire mystérieuse.  Que fomentait-elle avec les filles pendant que les messieurs usaient leurs salives en vaines paroles ? Il aurait bien aimé le savoir.
Majors, pas si idiot apparemment, leur expédia de quoi parer à des travers.  
 
Je n’ai jamais tiré de ma vie ! Je ne tiens pas à commencer ? dit-il en rejetant une des armes tendues.  
 
Il était tracassé, plus que ce qu’il extériorisait. On ne lui laissa la tablette que trop peu de temps pour examiner convenablement les progrès de Johnny.  Un truc clochait mais quoi ? Avec les outils et ordinateurs corrects, peut-être pourrait-il donner de meilleures instructions au poussin du 21ème siècle ?  Quoiqu’il en soit, Henry voulait de l’air. Avoir goûté le grand large lui démangeait les jambes de récidiver. Puis, un peu de tourisme ne nuit pas.
Les collations du marquis étaient suffisantes, pas à se plaindre. Mais tâter de ce Paris bouillonnant était irrésistible. De Bourcet avait remarqué l’intérêt de Henry pour la bonne chair.  
 
L’auberge du chat bleu n’est pas loin d’ici, lui avait-il soufflé, juste deux rues à côté en prenant à gauche. Leur coq au vin y est merveilleux, vous m’en direz des nouvelles !
 
Tu parles de nouvelles ! Ils s’y firent braquer. Martin avait dégainé aussitôt la menace avérée. Lui, il avait cafouillé avec son flingue, appuyé la gâchette encore et encore sans quasi rien viser.
 
Oh, mon Dieu !  

 
Dave baignait dans son sang. Un instant, Henry crut que tout était de sa faute, qu’il lui avait tiré dessus par erreur.  Non, selon Martin il s’agissait d’une lame.  Sans l’adrénaline due à l’effervescence de l’urgence, Henry aurait cédé à la panique.  Heureusement, Lescot savait ce qu’il faisait, et Henry obéit à tous les ordres.  
 
*Mon petit… allez…*
 
Oui, tout alla bien, mais pas pour Henry qui avait une sérieuse rage de dent contre De Bourcet. Parfois, se défouler procure un bien fou. Jamais Henry n’avait été violent mais quand il coinça Pierre dans un couloir proche de la cuisine, il ne résista pas à lui défoncer son portait de fouine :
 
Vous avez failli nous tuer, tuer mon fils.  
 
Bah, De Bourcet aurait mal à la figure et aux côtes quelques temps… Henry à la main, mais cela soulageait.
Hors donc, le plan changea radicalement avec approbation générale.  
Louise et lui seraient chargés des enfants royaux ainsi que de la gouvernante.  Chère Louise… elle ne cachait pas son aversion vis-à-vis des mioches.  Certes, Henry n’y connaissait rien non plus, en gamins.  M’enfin, en ayant été un jadis…
 
Quand j’étais un petit garçon, j’adorais les farces, me déguiser, jouer des rôles. Eh, bien ce soir, nous faisons pareil. Ne me dites pas que vous n’avez jamais vu des acteurs ou des bateleurs ? Oui, oui, je vois que vous savez très bien de quoi je parle. Alors, ensemble on va jouer un bon tour à ceux qui vous gardaient. Toi, mon bonhomme, tu deviens notre petit-fils, et toi, ma toute belle…
 
La toute belle boudait. Ses habits la grattaient, sentaient mauvais. Elle ne voulait pas s’appeler Rosalie, etc. Louise fut très sévère avec elle, laissant Henry un peu choqué :
 
Mais Louise, elle n’a que 12 ans, lui souffla-t-il dans l’oreille.
 
Il changea de tactique.
 
Oh, mais qu’est-ce que mon petit-fils Jean-François a dans le nez ? Une pièce ?? Oups ! Où est –elle passée, je ne l’ai plus ! Mais c’est toi Rosalie qui la cache dans ton oreille ! Si vous êtes très sages, je vous montrerai d’autres trucs.  
 
Hop, hop, tours de passe-passe, grimaces en sus : l’affaire fut réglée.
On dépassa Paris à la vitesse d’un escargot trop gras ou celui d’un sénateur, au choix. Bref, pas très folichon, d’autant qu’aucun relai n’était prévu sur cet itinéraire à rallonge vers le Pas-de-Calais où, là, on les attendait. Louise s’inquiétait un retard potentiel à cette allure chaotique mais prouva qu’elle était effectivement une femme pleine de ressource. Que complota-t-elle avec le conducteur, Henry le découvrit plus tard avec saisissement mais aussi une certaine fierté : un vol !
 
… Louise vous être étonnante !... d’accord, le gardien a un dédommagement pour sa légère bosse mais quand même…  
 
Si l’allure s’accéléra de façon notable en bien plus de confort qu’au départ, Henry eut toutes les peines du monde à dérider la petite demoiselle trop habituée déjà aux gâteries de sa condition.  
 
*Vivement qu’on la débarque ou je ne réponds pas d’une fessée en bonne et due forme*
 
Il était sûr que Louise pensait pareil que lui. L’arrêt pipi fut tout un poème en soi.  Heureusement, ils avaient des provisions mais Henry, lui, avait des bonbons piqués dans les plateaux du Marquis. Il aurait dû penser à les sortir plus tôt car il avait oublié que le meilleur moyen de faire taire des petits emmerdeurs était de leur fourrer la bouche de choses délicieuses à sucer ou croquer.   
 
Le Nord-Pas-de-Calais ne fut pas abordé sous son meilleur jour. Henry s’y sentait bien malgré la grisaille puisque si proche de sa chère Normandie natale. Au moins, ils étaient à l’heure pour enfin larguer sinon les amarres, au moins leurs colis très encombrants. Pour un peu, il crut devoir bâillonner la petite demoiselle qui aurait dû s’appeler la grande râleuse. Mais ses yeux s’humidifièrent vraiment quand le gentil Dauphin lui embrassa les joues.
Le capitaine chargé de convoyer les évadés leur remit un message venu par pigeon voyageur.
 
Au moins trois vies de sauvées... allons chercher comment nous rendre à Lyon! déclara Louise qui paraissait nettement mieux disposée maintenant qu’une certaine peste avait disparu.  
 
Tu me diras bien pourquoi Lyon ?  n’en revenait pas Henry de cette destination lointaine.
 
Heureusement, moyennant bonne bourse, ils parvinrent à monnayer des places d’une liaison rapide qui évitait la capitale.   
                 
Déjà ça de gagné...Trois jours au moins de chemin...
 

On va faire du tourisme, rit Warrington heureux que cela ne la contrarie pas.
 
Le guide, loué une petite fortune, comprit que ces engliches ne voulaient pas être mêlés à l’agitation de Paris qui était à son comble avec les récentes nouvelles affirmant que le roi avait fui. D’aucun étaient furieux de cette lâcheté quoique beaucoup comprennent qu’il lui fallait sauver sa peau.
 
Le voyage fut long. Descendre les ¾ du Pays par des voies secondaires ne fut pas de toute gaité ni tranquillité. Trouver des relais convenables avec au moins assez d’eau pour se rincer, se méfier d’yeux avides, éviter les pièges des routes avec leurs bandits et ornières, on ne rigola pas tous les jours.
Louise avait dit se sentir merveilleusement vivante, Henry ne pouvait pas nier que, pour la 1ère fois depuis des décennies, il vivait sauf que les soucis de l’âge et les voyages ne font pas trop bon ménage. Muscles et articulations inconnus jusque-là se réveillèrent au fil des soubresauts de leur voiture. Il crâna devant Louise aussi longtemps qu’il put mais le second jour, il put  à peine sortir de la caisse lors d’un arrêt casse-croûte. Evidemment, Louise s’inquiéta, lui venant en aide ainsi que le cocher.  
 
C’est rien, rien du tout. *Bon Dieu que cela fait mal*
 
 Au 21 ème siècle, depuis le labo souterrain, Majors avait suivi la progression de sa chère Louise sauf que le contact avait été perdu avec la séparation entre voyageurs. Dave et Nell possédaient la tablette, et Miss Fischer le boîtier. Les deux étant reliés… Il était donc aveugle, sourd et muet depuis des jours et des jours en s’angoissant fortement.  Il bricola comme un fou en se basant sur les ordinateurs, en fonction d’une étude approfondie de la boîte initiale qu’il nomma lanceur afin de lui faire faire des petits à leur expédier dès que le contact reprendrait… s’il reprenait un jour…  
Entre les soins aux animaux et son boulot, il transpira beaucoup. Ceci ajouté à la torture mentale éprouvée…
 
Henry, lui, souffrait physiquement et moralement.  Avouer ses faiblesses devant une femme ? Ralala… La chance fut qu’ils se trouvaient aux abords de Bourges où une auberge les accueillit en ne posant qu’une seule question :
 
Ce monsieur est malade ?
 
J’ai mal au dos, pas la peste ! gronda Henry, fâché.  
 
Louise, chère Louise, fut un ange de miséricorde. De son sac, elle préleva quelques anti-inflammatoires mais dès que l’on put installer l’impotent à l’étage, elle le délaissa non sans encouragements.
 
… mais tu vas me laisser seul ? Où diable… non, je ne crains pas que tu continues sans moi, mais…  
 
Elle rigola, lui posa un baiser sur le front et fila.  
Warrington eut tout le loisir de maudire les effets de l’âge. Cependant, l’effet des médocs et la paillasse assez agréable finirent par l’envoyer chez Morphée.  
Lorsque Louise revint enfin, elle n’était pas seule. Pourquoi ramenait-elle un asiatique ??
En effet, vêtu de soie noire, un bonhomme minuscule au teint jaune qui ne devait rien à un ictère, lui souriait avec force de courbettes. 
 
… acupuncteur, chiropracteur et masseur ? Vous êtes folle ! Jamais, je ne me soumettrai à cela, femme !  
 
Ce que femme veut…  
Oh, la belle séance, la 1ère de sa vie et – Henry l’espérait – la dernière. Les aiguilles, les étirements avec craquements sinistres, les massages musclés, onguents, il subit le tout avec stoïcisme, ou presque. Pourvu que Louise dans la chambre d’à côté n’ait rien perçu.
Il fallait croire au miracle. Quelques heures après ce traitement énergique, Henry pouvait se remettre debout mais la nuit complète seule parvient à le remettre entièrement d’aplomb.  
Qu’est-ce qu’il était gêné au petit-déjeuner de gros pain et œufs au lard. Il se dandina sur son siège avant de lancer un timide :
 
Merci infiniment très chère. Vous m’avez sauvé la vie… non, je n’exagère pas !
 
Il lui saisit la main en travers de la table, et la pressa avec un peu plus que de la reconnaissance.  
On arriva enfin à Lyon. L’adresse donnée via les conspirateurs était assez vague pour qu’ils s’y perdent en exploration mais, au signe de ralliement du tenancier, ils surent être arrivés. Ils étaient les premiers… Etonnant ? Pas tant que cela. Le couple T-M avait dû parcourir un fameux chemin jusque Marseille pour rentrer ensuite sur Lyon. Quant à celui N-D, ayant filé plein Ouest avec une reine dont la fille avait probablement hérité du caractère…
Ils guettèrent toute la sainte journée, sans succès. Mais pas question de déménager. Malheureusement, l’auberge était bondée question coucher. Il ne restait qu’une chambrette minuscule à partager.  On la prit et s’en accommoda, trop crevés d’aller chercher ailleurs d’autant que l’on ignorait quand arriveraient les autres.
Fidèles au poste malgré de nouvelles courbatures, le couple L-H patienta. Si quelques habitués des lieux les remarquèrent, ils ne s’en formalisèrent pas. Enfin, une journée encore s’écoula avant qu’apparaissent Toni et Martin passablement vannés, eux aussi.  Ils éclusèrent leurs chopes comme si leur vie en dépendait en restant discrets. Les vrais déboires communs s’échangèrent dans une pièce plus privée : la chambre. Ils y murmurèrent quand même, par sécurité.  
Il leur en était arrivé des choses ! Mais ils étaient saufs, tout comme eux. Par contre nul n’avait la moindre nouvelles des autres.  
On discuta stratégie, et Henry expliqua sa théorie :
 
Selon moi, Johnny ne sait rien faire pour nous tant que la tablette et le boîtier ne sont pas réunis. Il a dû poser une sorte de sécurité pour justement nous grouper et nous transporter tous ensemble d’un coup. Faudra d’ailleurs que je lui signale le haut intérêt pour nous d’en disposer un chacun ou au moins par couple car s’il rate à nouveau le retour et que nous devions encore nous séparer… Oui, Toni, moi aussi, je préfèrerais ne pas récidiver cela, mais…
 
Sur ce, après avoir raconté ses mésaventures avec un Chinois à Bourges, Martin tint à l’examiner à fond.
 
…Non, non ! Je vais très bien grâce aux bons soins de Louise. Si nous allions plutôt manger ? La table est très bonne, ici !
 
Très bonne, en effet.
 
Le petit salé aux lentilles les cala avec les gougères de fromage, et la galette sucrée ravit tous les palais.  
 
Si on reste huit jours de plus ici, je vais prendre 3 kilos, rit Henry en se frappant le ventre satisfait.
 
On était là à commenter la cuisine quand la maréchaussée pénétra brusquement. Un type en uniforme désigna leur table. Aussitôt, le groupe les cerna sans ménagement.
 
Hey, bas les battes, s’énerva Henry. Que nous voulez-vous ? Nous ne sommes que de paisibles voyageurs !
 
Que nenni ! Vous êtes des espions ayant participé à l’enlèvement du roi. Suivez-nous !
 

Et nos sacs ? Nous devons aussi régler l’addition. Où allons-nous ?
 

Vous vous expliquerez au poste. On m’a dit d’embarquer, j’embarque !

 
Les protestations furent inutiles. Solidement encadrés, ils marchèrent
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Nelly Watts

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MessageSujet: Re: Qu'on lui coupe la tête...    Qu'on lui coupe la tête...  EmptyMar 10 Mai - 20:30

Vive l’éther de Martin ! Sans cela, jamais Nell et Dave n’auraient su évacuer la reine et sa dame de compagnie.  Les portes de la capitale derrière eux, ce n’est pas pour autant qu’ils purent respirer à l’aise... dans tous les sens du terme.  
 
Dire que l’on se plaint du réchauffement climatique, sua Nell qui aurait nettement souhaité être lancée sur un coursier à pleine vitesse que de subir le brimbalement d’une charrette à bœufs sous une chaleur d’enfer.  
 
Certes, elle possédait un éventail mais n’osait pas trop s’en servir tant que les faubourgs seraient animés puisque trop « chic » pour la paysanne supposée.  Au moins, son chapeau de paille aidait à créer un courant d’air. Vapeurs d’éther, relents de fruits pourris et bouses de vaches auraient donné la nausée à n’importe qui. Leur carriole n’était pas fermée. Un bien, un mal ? Un peu des deux.  Dans la nuit, cela passa relativement bien mais avec le lever du jour la température s’éleva de beaucoup.
Le conducteur, un fidèle grassement payé, savait où il allait. Dave et Nell n’eurent donc qu’à se relayer auprès des femmes sous leur égide.
 
Je me demande comment sera leur réveil, grimaça Nell par anticipation… tu devrais dormir un peu. Après tout tu relèves d’une blessure sérieuse, toi… ouais, tu te sens bien. Normal, je t’ai filé un peu de mon raisiné comme on dit par ici. Tu n’as pas peur que ça te rende plus intelligent ? Aïe !
 
Au moins, ils rigolèrent en se taquinant comme toujours.  Que Dave ne lui demande pas comment elle se sentait après une telle ponction n’affectait pas Nell. Il est bien connu que les mâles acceptent tout à sens unique, du moins en apparence.  
Aux odeurs précitées s’ajoutèrent celles des vomissures des nobles personnes transportées.  
 
Majesté, s’inquiéta Mme de( ?) buvez un peu, ça aidera.  
 
Vous devriez cesser avec vos majestés par-ci par-là, dites Bertha comme écrit sur les passeports. Vous vous êtes mirées depuis le coq ?
 
Dieu m’en garde ! Et parlez-nous sur un autre ton, petite ! se hérissa la matrone.  

 
Nell éclata de rire :
 
N’y compte pas, drôlesse ! J’vais te suriner si tu la boucles pas. On est renfloué à l’os si on ne te dépose où c’est dit. Rien que la moitié du dû au cas où l’on vous perdrait en route. La moitié, c’est déjà plus que c’que j’gagne aux ordres de mon mec en un an. Vous larguer, toi et ta copine, j’m’en fous un peu. Tu piges ?   
 
Dave se marrait. Il ne captait pas les subtilités argotiques mais n’en ratait pas moins le sel.  
 
Quand ils eurent renvoyé ces dames à Morphée, ils en rirent.
Nell expliqua :
 
Je me fais passer pour une gueuse, de quoi les effrayer et les mater. Une veine que papa m’ait laissé lire les Mystères de Paris, ça me fait du vocabulaire d’époque. Toi, tu devrais aussi changer de rôle… tu es trop protecteur, trop… civilisé. Si elles sont persuadées qu’on est de la racaille des bas-fonds, peut-être qu’elles fileront coton, doux quoi. Ok ?
 
Vint le sujet de la tablette :
 
… j’ai perdu tout contact depuis qu’on est séparés des autres… je sais pas, les deux sont liés, peut-être. On est livrés à nous-mêmes, Dave…  
 
Il se montra réconfortant, sans trop cependant.
Plusieurs fois, il fallut s’arrêter histoire de nettoyer les souillures, prendre des paniers repas, se soulager.  
Lentement, très lentement, ils se dirigeaient vers Nantes. Des relais avaient été prévus mais…
 
Je ne sens pas cet endroit Dave ! Pas que je souffre d’anosmie – ce qui ne me déplairait pas – mais appelle ça intuition féminine ou n’importe quoi, on continue ainsi, s’il te plaît.
 
 Le premier changement ne s’effectua donc pas.  Le conducteur de bestiaux râla. Dave enfin convaincant dans son rôle de truand, le ramena à de meilleures considérations.
 
Nell chantonnait :
 
De-ci de-là, cahin caha, va chemine, va trottine, va…
 
Avec Dave, elle parla un peu d’elle, de son enfance sans père présent :
 
J’ai toujours souhaité qu’il soit fier de moi. J’ai dévié exprès de la route imposée… regrets ? Non ! J’ai du fric, fais ce que je veux, que demander de plus ?
 
Misère, L’Antoinette remettait les bouchées doubles :
 
Je me meurs, je me meurs, aidez-moi Mme ( ?)
 
Majest.. euh... Bertha, tenez bon. Ces brutes sont notre seul salut pour le moment. Il en va de nos vies, de grâce...  
 
Je veux Louis, je veux mes enfants, je veux…
 
Être raccourcie ? Ça te pend au nez si tu la fermes pas !  intervint Nell, l’air féroce.
 
Ôtez cette créature puante de ma vue ! Pitié je…
 
Celle qui pue, c’est toi, bougresse ! Tu penses pas que j’vais te lécher l’cul et rincer tes nippes ? Bois, mange et ferme ton clapet à bêtises.  
 
Le petit couteau dont elle s’était munie joua sous un joli nez qui se pinça mais au moins, ils eurent la paix… quelques heures.
Lors d’une autre halte, Dave s’inquiéta du retard accumulé.  Il n’avait pas tort. À ce train, ils ne seraient jamais au rendez-vous fixé à Nantes.
La solution ? Jouer aux bandits de grands chemins.  
Dans un patois archaïque gratté du fond de sa mémoire, sous les conseils de Clayton, Nell apostropha vilainement la première calèche sur leur route.  Qu’est-ce qui impressionna le plus le cocher ? L’air déterminé des agresseurs ou leurs armes étranges ?  
Peu importe, on changea de véhicule, de vêtements, mais pas de passagères hélas.
Nell ne pouvait s’empêcher de se marrer assise au côté de Dave devenu cocher :
 
Tagada, tagada, voilà les Dalton…
 
 Un train d’enfer ? Pas loin mais Clayton était prudent néanmoins. Parfois, Nell osa :
 
Ralentis un peu, tu vas crever les chevaux… tu te sens bien ?... si tu veux je pourrais…  
 
Inflexible, Dave traçait sur la route la plus merdique que Nell ait eut à caracoler.  
La planche à peine rembourrée qui servait de siège lui tannait les fesses. Jamais, elle ne se plaignit préférant nettement ce régime dans l’air vivifiant aux simagrées de la noblesse crapahutée envers et contre tout.  
Malgré elle, Nell chantonna plusieurs fois, uniquement pour se donner la force de poursuivre ce chemin infernal avec à bord deux mijaurées impossibles :             
 
Ah, ça ira, ça ira, les aristocrates à la lanterne… dansons la carmagnole… aux armes citoyens…
 
Je ne sais pas comment tu fais pour ne pas leur flanquer des baffes, soupira-t-elle en dodelinant contre le flanc confortable de Clayton. Je te jure que si l’une d’elles se plaint encore, ça fera date historique. Gagnani, je veux ci, gnagnagna, je veux ça !... raconte-moi plutôt comment tu en es arrivé à suivre Henry en tout…
 
Un ronron de moteur l’aurait mieux endormie mais crevée comme elle l’était après deux nuits sans sommeil, Nell s’appesantit davantage sur le bras du conducteur.  
L’arrêt brutal de la calèche faillit la vider du siège. Sans le secours de Dave, elle aurait valsé Dieu sait où.
 
Qu’est-ce qui… ?
 
Retenant des jurons bien sentis, Nell s’éjecta de l’attelage en même temps que Dave aussi furax qu’elle-même. Il faisait nuit noire, et les « belles » avaient décidé de jouer les filles de l’air en sautant.  
 
Tu as vu par où elles ont filé ? … Elles sont aussi discrètes qu’un éléphant dans un magasin de porcelaine… Attends, j’ai une idée. Tu as la lampe envoyée par Johnny ? On va rire… Ne fais pas de bruit.  
 
En douce, eux, ils se rapprochèrent des fugitives. Brusquement, Nell alluma la torche à pile sous son menton. Effet garanti pour qui ignore l’astuce.  L’effet spectral marqua les esprits niais. D’une voix sépulcrale, Miss Watts déclara :
 
Je suis le fantôme de vos pires cauchemars. Remontez immédiatement, et tenez-vous bien ou je vous hanterai jusqu’à votre dernier souffle…
 
Ils se tordirent longuement à l’avant tandis que deux dames terrorisées pleuraient à chaudes larmes à l’arrière.  
 
Il pleut sur Nantes… On avait espéré un ciel clément jusqu’au bout : raté.  
Les encombrantes larguées, non sans soulagement, Dave et Nell se retrouvèrent dans ce port de négriers avec juste l’envie d’un lit confortable et un billet leur ordonnant de rallier Lyon.  
 
On n’est pas à un jour près Dave. Je t’en prie, laisse-moi souffler.
 
L’auberge « la grue » les reçut sans rechigner vu la bourse déposée. Douche ? Fallait pas rêver. Pas de punaise était déjà un luxe en soi.  Il n’y avait qu’un seul couchage, ils n’étaient pas à cela près, ne pensant qu’à enfin s’allonger sans remous.  Sans conteste, même s’il sentait un peu fort, Dave valait dix oreillers. Paisible, réconfortée, Nell s’endormit non sans une chanson idiote en tête :
 
Ma tablette est morte, je n’ai plus de jus. Ouvre-moi une porte, pour l’amour de D…
 
Wow ! Un petit-dej au pieu ! C’en fut un costaud. Dave s’était levé discrètement et avait bien œuvré tandis qu’elle écrasait.
 
Fameuse entorse au régime, mais merci, merci ! J’ai une faim de loup.
 
Elle attaqua pain beurré et fromage avec force de mastication tout en écoutant les dires de monsieur le débrouillard.  
Il avait trouvé des chevaux ainsi qu’une carte approximative pour les mener à Lyon en sécurité. Seul hic, Nell devrait se changer en garçon, histoire de ne pas attirer l’attention.  
 
Pas de souci, dit-elle en avalant son breuvage chaud. Je serai quoi ? Ton jeune frère, ton cousin, ton écuyer ? ... au fait, tu devrais te raser encore… J’ai pas ce souci, moi (rire)
 
Les montures n’étaient pas dignes d’un grand prix hippique mais tenaient col haut et allure digne.  
On rivalisa en adresse ? Un peu, pour le fun.  Sauf que, sans crier gare, ou presque, l’orage leur tomba dessus. Oui, le ciel avait pris soudain une teinte ardoise mais que, d’un coup, il crève comme qui vous jette un seau d’eau sur la tête...
Nell se fichait des orages, pas son cheval. Un éclair, deux, des craquements sous une pluie diluvienne va et passe au grand galop. Elle révisa mentalement ce qu’elle savait de la monte sur un cheval emballé. Rester calme… Dominer… Tirer à gauche, forcer un demi-cercle…
 
*Tu parles !*
 
Il ne voulut rien savoir et fonça.  
Seul espoir, lui cacher la vue ou lui pincer les nasaux. En filant mieux qu’une flèche, allez donc couvrir les yeux d’un cheval fou, pire lui mettre les doigts dans le nez. Pas force d’essayer mais il avait un long cou, et elle des bras menus.
 
DAAAAAVE……..
 
Qui l’arrêta ? S’en suivit une chute, sans rémission, sans doute le plus beau vol plané de sa vie.  
Dave la relevait, inquiet, merveilleusement inquiet.
 
… Ouais, ça va. Je …
 
Elle verdit en essayant de soutenir son poids. Et merde, son éjection n’avait pas été sans dégâts.  
 
… J’ai mal le gauche, c’est pas la mort. Si tu avais un abri, ça serait bien…
 
Ces chansons… « je vais clopin clopant… ». Dave faisait une béquille chaleureuse, la portant quasiment.
 
Les chevaux, tu les as garés où ?... Hein ? Eux d’abord, vas-y ! Laisse-moi, allez file…
 
Il tint à d’abord la déposer près de rochers offrant un semblant de toit.  
Durant son absence, Nell tenta de voir sa cheville malmenée. Elle souffrait le martyre dans sa botte mais l’ôter aurait été pire car comprimer était bon en cas d’entorse.
Peu après, Dave revint avec un seul destrier, l’autre ayant continué sa course folle sans cavalier.  
La bonne nouvelle était qu’il avait vu des lumières à proximité.  Sans aucun effort apparent, il la hissa sur le dos du cheval qu’il mena à la longe jusqu’à l’habitation dont il tambourina la porte.  Un gars méfiant entrouvrit à peine. Il ne les chassa pas à coups de fusil, au moins ça.  La fable de Dave sonnait juste ; on leur permit l’accès à la grange voisine.  Fou ce que Clayton se montra aux petits soins.  
Déposée délicatement dans la paille, Nell lui grimaça un sourire :
 
Fais pas cette tête Dave, et ne te crois pas obligé d’être une mère pour moi ; j’en ai eu d’autres, des bobos…  
 
Il ne voulut rien entendre. La jambe soulevée par le sac et le foin, bien confortablement installée, Nell éprouva quand même un grand frisson. Il est vrai qu’ils étaient tous les deux trempés mieux que des soupes.
 
… faudrait se changer, mais…
 
Il allait repartir vers le corps du logis quand la porte de la grange grinça. Deux personnes entrèrent, sans doute les propriétaires ou locataires de la ferme. Éclairée par la lampe portée de l’homme, la femme courtaude arborait un large sourire sur ses joues rebondies. Ses bras chargés se délestèrent dans ceux de Dave :
 
 Faut excuser mon Ernest. On est d’ bons chrétiens. V’la d’la soupe bien chaude, du pain et un bout de lard. Dans le sac, il y a des couvrantes. J’vais attendre vos frusques mouillées et les mettre à sécher.  
 
Le regard un peu perdu de Dave fit rigoler Nell :
 
Cette charmante dame veut admirer tes muscles ! Allez hop, à poil, Mr. Clayton !  
 
Elle-même se débarrassa de son manteau alourdi de pluie, et de sa jaquette. Hors de question d’ôter son pantalon sans enlever ses bottes. Elle jura que ça suffirait.
L’homme la reluquait bizarrement. Il cracha :
 
Z’aviez dit votre tit frère blessé ! Là, c’est une donzelle ou je louche ?
 
Qu’est-ce que t’es bête Ernest ! On voit tout de suite que c’est des amoureux en fuite.
 
C’est pas bien de…
 
Arrête ! J’avais pas treize ans quand tu m’as mitonnée la 1ère fois. Laissons-les ! Bonne nuit jeunesse et bon appétit ! Foutez pas le feu !  
 
La matrone leur laissa la lampe et s’en fut avec leurs vêtements non sans un clin d’œil appuyé.
 
Expliquer les allusions des patrons ne fut pas nécessaire. Dave avait très bien pigé. Ils en rirent tout en dégustant avidement la tambouille épaisse de la dame additionnée d’un pichet de vin.  
C’était sympa ce tête-à-tête dans le foin en ne portant que des couvertures râpeuses. Cela l’aurait été plus encore si, toutes les 5 minutes environs, Dave ne s’inquiétait pas de son sort.  
 
… mais oui, je vais bien. Ça tire un peu *beaucoup* mais ça ira. Demain, on reprendra la route, crois-moi.  
 
Décidément, le creux du bras de Dave était le plus sublime des endroits où se nicher une fois la lampe étouffée, à croire qu’il avait été dessiné pour épouser son crâne. Elle aimait la force tranquille de son compagnon, le battement régulier de son cœur contre son oreille était très rassurant, lénifiant. Sans même s’en rendre compte, déjà à moitié dans les limbes, Nell caressait la poitrine ferme du garçon étendu à ses côtés.
 
… hein ? Tu dis quoi ?... je dors, fais-en autant. 
 
Un bisou sur un pectoral, elle sombra avec le sourire aux lèvres.   
 
Il y a des lendemains qui chantent, et d’autres qui déchantent. Si Nell avait espéré être sur ses deux pieds au matin, la douleur signa la réalité.  Dave s’était levé tôt ; elle n’avait essayé que d’aller soulager sa vessie dans un coin du dehors, en grimaçant tout du long.
Elle crâna, évidemment, quand il rapporta leurs effets bien secs ainsi qu’une musette très garnie.
Dave avait dû insister pour dédommager ces braves gens. Il rapportait également des informations quant à leur route vers Lyon.  En coupant par la forêt, ils seraient rendus en fin de journée, voire le lendemain au matin.  
Bien sûr, il ne fut plus question de galop. D’abord le terrain ne s’y prêtait pas, puis à deux sur la même monture…  
Il l’avait installée devant lui pour mieux la surveiller.  Geste prévenant mais agaçant. Nell avait toujours détesté qu’on la chouchoute. Sauf que, parfois… cela faisait du bien.  
Fallait bien meubler les heures creuses :
 
Dave, parle-moi de ta famille. Je t’ai déjà raconté la mienne, tu pourrais partager, non ?  
 
Elle ponctuait de ah ? Bien ! je vois, etc…, s’étonnant elle-même de porter autant d’attentions à ce que narrait le garçon derrière elle.  Selon ses critères personnels, Nell classa davantage Clayton dans la catégorie des bons gars. Les oiseaux rares existaient-ils ? Elle n’avait aucune arrière-pensée dans ce jugement ou à peine une ébauche.  Il était inutile de se faire des idées, juste parce que Dave était très, très… très gentil avec elle.
 
*Qu’en a-t-il à cirer de toi ? Dès que l’on rentrera, il t’oubliera, écrira un bouquin teinté de vécu cette fois, et t’effacera…*  ÇA fait quoi d’être célèbre ?... Ah… pas plus que ça ? Tu m’étonnes !... Moi ? Jamais eu ces idées-là, vivre du mieux possible, voir le monde me suffit.  
 
De nombreux arrêts s’octroyèrent surtout quand l’assise de Nell devenait précaire. Instinct ? Dave comprenait que ça n’allait pas fort rien que par un changement d’assiette.  Une veine qu’il ne la voie pas se décolorer et quasi tourner de l’œil. Ils avaient Lyon dans la vue quand elle s’amollit soudain dans ses bras. Lorsqu’elle revint à elle quelques instants plus tard, il lui manquait une botte.  
 
Tu l’as coupée ??? C’est malin ! Je vais marcher comment ?
 
Ouais, bon, il n’avait pas eu tort. La cheville exposée était d’un beau violet, et de la taille d’un melon de cavaillon. Ça soulageait beaucoup. Le « merci » eut du mal à sortir, elle le murmura quand même. Il tailla la botte en soulier… curieux effet mais qui s’en préoccupait ?   
Le pont enjambant le Rhône demandait droit de passage. Pas de souci, on passa.  La nuit était tombée, les lanternes allumées leur procurèrent éclairage dans les grandes avenues où le brave cheval les mena à son rythme.
 
Je vois l’enseigne, là-bas, soupira d’aise Nell en pointant l’objet.  
 
Leur animal avait été revendu au 1er palefrenier preneur contre le renseignement voulu. Là, à pied, ils clopinèrent jusqu’au point de chute prévu dans le message, sauf que…
 
Mais… ?  
 
Hop, emportée dans une ruelle, plaquée contre un mur avec une main ferme en bâillon tandis que Dave tendait le cou vers l’extérieur, l’étudiant.
 
MMMFFFF… ouais, chut, j’ai pigé, souffla-t-elle. Qu’est-ce que tu vois… quoi ???
 
Ce qu’ils virent n’était autre qu’une descente de la gendarmerie nationale récemment nommée ainsi en remplacement de la maréchaussée. Pas de doute, les embarqués étaient leurs amis.                     
 
On fait quoi ? On tire dans le tas ??
 
Pas question, évidemment. Qu’elle reste là en navet, non plus !
 
Je sais que je cours pas mais je pourrais être utile… faire diversion… ok… (triste)
 
Fallait se rendre à l’évidence. Même en délivrant leurs potes, Nell ralentirait la fuite. Sauf si…  
6 chevaux… ou au moins 3… un attelage ? Où trouver cela dans une ville inconnue à une époque qui l’était encore plus. Retour douloureux vers le Maréchal-ferrant.
 
Vous r’voulez d’ja vot biest ?
 
Monsieur, vous avez eu la bonté de l’échange. Là, c’est plus grave. J’ai vu la fleur de lys gravée, et…
 
Z’êtes quoi ? De ces maudits…
 
Royalistes, comme vous, monsieur. De nos amis viennent de se faire chopper au Lion d’or… aidez-nous, de grâce. Cette bourse pour des barrages et des chevaux…

 
Ben, c’est que…
 
Je n’ai rien d’autre monsieur. Votre roi, sa famille, sont en sécurité, ils nous la doivent… aidez-nous…   
 
Un plan s’échafauda à vive allure.
Seule en cocher sur une sorte de diligence, Nell attendit. Le temps s’écoulait trop lentement. Peut-être que Dave avait été attrapé aussi ?? De pensées en réflexions, Nell eut une illumination : la tablette.  Inutile depuis un temps certain, peut-être que la proximité du boîtier de Toni la ranimerait ?   
Dans l’obscurité d’une venelle juste assez large pour contenir le véhicule, Nell défaillit de bonheur quand l’écran s’éclaira. Vite, vite, taper à Johnny :
 
On est presque réunis. Sors-nous de là quand je dirai, please, help ! Merci.  
Des coups de feu ? C’était parti.
Ils couraient vers la ruelle d’où elle se signala avec sa torche agitée au-dessus de sa tête avec des cris :
 
Ici, ici !!!  
 
Dave prenait les rênes ? Tant mieux. Elle tapa à toute vitesse tandis que des balles sifflaient dans leur direction :
 
On est prêts.
 
L’attelage lancé à vive allure balaya quelques opposants. Nell indiqua la route :
 
À gauche… à droite, maintenant...
 
Derrière eux, des charrettes s’agglutinèrent entravant les poursuivants. Puis, l’espace du devant devint comme de l’eau en tourbillon. Ils y foncèrent…
 
SPLActh…
 
*Merci Johnny… *    
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Dave Clayton
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Dave Clayton


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Qu'on lui coupe la tête...  Empty
MessageSujet: Re: Qu'on lui coupe la tête...    Qu'on lui coupe la tête...  EmptyDim 22 Mai - 16:40

Tout ira bien... allez… tiens bon… si tu me fais ça, jamais tu ne t’en remettras.

Quand vous êtes charcuté de chez de charcuté, qu'on vous étend sur la table du salon et qu'on voit ce qu'on peut faire avec vous, ce sont justement ces paroles qu'il faut entendre pour tenir bon!
Dave ne gardait qu'un souvenir misérablement confus des faits qui l'avaient conduit là. Il avait mal, mais pas autant comme pour beugler de douleur, en fait il était perdu et avait plutôt peur d'y passer mais Nell était là. Il avait beau être bien plus à l'ouest que voulu, la sentir près de lui le rassurait follement. Il aurait voulu la rassurer à son tour, dire n’importe quoi mais déjà ce cher Martin jouait de son fichu éther et l'envoyait dans les vapes...

Rêver? Qui rêve sous de pareilles conditions? Il vogua entre ici et là, dans un limbe incertain où tout s'emmêlait sans ordre ni concert. Passé, présent, futur...comment discerner quelque chose dans la purée épaisse qui lui tenait lieu de conscience et encore plus dans la confusion extraordinaire qu'était devenu le temps...saut par ci, saut par là...Que faisait M. le Marquis sous les cocotiers hawaïens? Pourquoi Oscar s'acharnait il à coups de dents féroces contre M. de Bourcet? Et pourquoi Nell était elle si éplorée?...

Dave… mon chéri… tu m’as fichu la trouille de ma vie. Jamais je ne m’en remettrai si…

Nell...ça va aller...je t'aime...reste avec moi!, s'il avait cru parler cela ne tenait que de l'illusion, il n'avait que gémi en ouvrant, enfin, les yeux, ce qui avait requis un effort conséquent.

Un instant à se perdre dans son regard noisette, à y puiser un peu de force, de douceur...mais bien entendu la miss ne capitulait pas si facilement:

Si tu n’étais en lavette, je te frapperais ! Quelle idée saugrenue d’avoir été promener la nuit ! Tu ne l’emporteras pas au paradis, la trouille que tu nous as mise. 

Sourire de travers, on peut pas mieux dans cet état, serrant à peine la main qui retenait la sienne.

*Vais nulle part, ma beauté!...Suis là...tout à toi!*

Et de se rendormir comme le bienheureux qu'il était, avec des éclats de conscience de temps à autre pour réaliser qu'elle n’avait pas cédé sa place.

Ce ne fut pas une longue convalescence, pas en ces temps qui couraient, là il fallait être à point sans faire trop de chichis. Dès que la blessure cicatrisa suffisamment, sans faire plus trop mal et qu'on le jugea apte pour rester assis un bon moment, c'était parti.

Il s'en souviendrait toute sa vie de ce soir du 21 juin 1791, quand ils durent cueillir en pleine nuit une reine éperdue et sa suivante, toute baronne qu'elle voulut être, d'aussi peu d'aide qu'une poule affolée. Le changement de plans avait fait des dégâts sur le moral des fugitives qui avait songé à se la couler en douce, genre jeu de rôles sympa...je suis toi, tu es moi...mais je suis toujours la Reine!
Une promesse de bien de joies dès que ces dames embarquèrent dans leur chariot à bœufs, sentant le chou et Dieu sait quoi d'autre. Dave avait fait pourtant débarquer tous les choux amoncelés là partant de la simple idée  que si on sort de Paris, ce n'est pas avec un chargement de légumes mais avec des cageots vides...à Paris, on importait de légumes, on n'exportait rien du tout ...à part quelques aristocrates en mal de sécurité.

Vaillant équipage, le leur! Dave n'en était pas du tout ravi. Pas plus que Nell. Hériter de Madame la Reine, capricieuse et sotte,  et de sa suivante mal lunée, ne faisait pas du tout leur bonne affaire. Du coup, changement abrupt au planning instauré par les royalistes de service, Sa Majesté était devenue Berthe, une simple vachère ou ressemblant, pour les effets mère de Nell et la soi disant baronne de Korff réduite à l’état de paysanne pauvre incluse dans la virée campagnarde pour assister Berthe dans sa maladie... éther pour ces dames, sait-on jamais, et documents à l'appui, ils quittèrent Paris ans trop d’encombres, le tout dans l’étouffante chaleur de cette nuit de Juin.

Je me demande comment sera leur réveil, grimaça Nell en anticipant ce qui viendrait.

Pas du joli, sans doute si j'en crois à ce que Martin a dit sur les effets de l'éther...*et d'après ce que j'ai dû subir...*

Elle se faisait de la bile pour lui, assurant qu'il avait besoin de repos après la blessure subie.

Je vais bien, t'en fais pas, ma douce..je tiens bon!

Normal, je t’ai filé un peu de mon raisiné comme on dit par ici. Tu n’as pas peur que ça te rende plus intelligent ?

Tu veux rire, j'ai eu peur que ça me rende roux!, et de lui faire des chatouilles, tu vois...pas d'effet...suis toujours aussi bête qu'avant!

Mais pendant un instant magique leur regards s’accrochèrent, rieurs, taquins mais aussi émus...ils passèrent de large cette case, gênés, confus?

Les dames transportées connurent un réveil disgracieux mais Nell se chargea, "adorablement" de les ramener sur le bon chemin.

Ben dis donc, tu y vas en douce là...j'ai rien pigé, mais juste avec le ton...tu leur as fichu la trouille..ah bon...tu joues le rôle de la gueuse...et je suis  trop protecteur...on est de la racaille...pas de souci, je pense pouvoir faire mieux, il n'en était pas si sûr mail s'il le fallait.

Restait encore le problème avec la tablette, muette depuis leur séparation avec les autres. 

Je sais pas, les deux sont liés, peut-être. On est livrés à nous-mêmes, Dave…  

On s'en sortira, ma douce...j'en suis sûr!

C'est beau l'optimisme! Et il en faudrait pas mal pour venir à bout de leurs misères, qui n'étaient pas des moindres, pas avec le butin transporté. Sa Majesté ne leur rendait pas la partie facile, sa suivante en rajoutant, on nageait en pleine crise de lèse-majesté! Ayant raté la case gentilhomme de service, on avait eu droit à un conducteur de bestiaux qui, malgré la grasse paye perçue, n’entendait pas démordre de sa très mauvaise humeur et râlait à tout bout portant.

*Piètre idée que ces improvisations de dernière minute..avec ce gars on va droit à l'échafaud!*

Pas à dire, Nell et lui étaient branchés sur la même onde
. Elle percevait les mêmes trucs que lui, avait la même méfiance, de ce fait le premier relai programmé fut passé de large, au grand dam du conducteur.

*T’avais arrangé ton coup, bougre!*  T'as intérêt à bien faire, bonhomme, sans ça, je te règle ton compte!, et cela sans se priver de lui montrer son arme, pigé!?

Message reçu 5/5, on put se relâcher un peu.
Pas ainsi les passagères qui ne se privèrent pas de faire connaître leur avis.

Je leurs tordrais volontiers le cou!, grommela Dave, si j'en étais capable bien sûr...ben non, suis pas chiche de tuer quoique ce soit...ça a toujours fait râler mon père...il est chasseur dans l'âme lui...mon frère idem et ma sœur aussi...enfin, suis le raté du clan quoi...et toi, c'est comment ta vie de famille?

Elle ne ressemblait en rien à la sienne. Nell avait adoré son père, trop tôt perdu. S'entendait bien avec sa mère et faisait ce qui bon lui semblait avec sa vie.

Suis sûr que ton père serait très fier de toi...tu es très spéciale, Nell, oh oui...tu es vraiment spéciale! *Unique, géniale, courageuse, pleine d'audace...*

Trêve d’aveux, Sa Majesté en rajoutait une couche. Sa suivante ne demeurait pas en reste, le cocher en avait marre. Eux aussi.

À ce train là, on ne sera jamais à temps...va falloir employer les grand moyens!...Ben, on va se trouver un meilleur moyen de locomotion..., et de faire part de son plan accepté illico par une Nell toute émoustillée de jouer les bandits de grand chemin.

*J'adore cette fille...quel style...Jesse James est détrôné!* 

On abandonna le chariot à bœufs et le cocher mal luné. La calèche était plus légère, les chevaux plus performants et la façon de conduire de Dave bien plus risquée.

Ralentis un peu, tu vas crever les chevaux… tu te sens bien ?... si tu veux je pourrais… 

Je me sens très bien, ce n'était pas vrai mais il faisait avec, plus vite on arrive et mieux ce sera...j'en ai ras le bol de ces ceux là...et je sais bien que tu t'y prendrais à merveille..., il lui aurait volontiers flatté la joue mais pas question de lâcher les rênes.

Je ne sais pas comment tu fais pour ne pas leur flanquer des baffes, soupira-t-elle en dodelinant, la tête appuyée sur son bras.

Je n'ai jamais frappé une femme...mais si ça continue, ce sera une première fois...

Je te jure que si l’une d’elles se plaint encore, ça fera date historique. Gagnani, je veux ci, gnagnagna, je veux ça !... raconte-moi plutôt comment tu en es arrivé à suivre Henry en tout…

Oh ça...bonne question...sais pas trop, il m'a convaincu, c'est tout, l'idée en soi me semblait débile mais passionnante...j'avais écrit un bouquin sur ça...du coup, ça m'a semblé irrésistible...Non, pas mesuré les risques...à part la peau, je n'avais rien à perdre...et puis, tu es arrivée avec les autres...

La nuit était belle, on fonçait à un train d'enfer, l'aventure était plus qu’incertaine mais il se sentait l'âme poète et aurait déclaré sa flamme si leur passagères rebelles n'avaient pas eu la bonne idée de sauter au risque de se briser  le cou.

Elles sont dingues, ces deux là!!!, il leur aurait tiré dessus mais le bon sens prima et Nell se chargea de ramener ces dames à de meilleures considérations, très à sa façon, faut le dire.

Bon an, mal an, on arriva à Nantes avec le conséquent retard, apparemment prévu par leur contact qui les attendait encore.

Voilà vos deux dames, merci...nous on se tire. Bon voyage!


À bon entendeur! Sa Majesté et sa suivante embarquées à bord du "Temperance" leur mission était accomplie. Le message transmis par le capitaine était clair: rendez vous au Lion d'or à...Lyon.

Pouvaient pas chercher plus proche...on doit traverser la moitié de ce fichu pays!, marmonna Dave, ça va nous prendre encore une éternité...

Une éternité très agréable, finalement, Nell étant une compagne de voyage exceptionnelle. De sa vie il n'avait rencontré une fille capable d’assumer les faits avec tant d'humour et bon sens. Une fille merveilleuse qui ne se plaignait même pas après avoir fait le vol plané du siècle, éjectée par son cheval affolé, le tout en lui fichant la trouille de sa vie. Fille merveilleuse qui avait dormi la veille dans ses bras et qui acceptait tranquillement les étonnants aléas de ce voyage absurde.

Il pleuvait des cordes, un des chevaux avait pris la poudre d'escampette sans espoir de retour et ils étaient au beau milieu de nulle part.

Il y a un moment on a dépassé une ferme...peut-être qu'ils voudront nous héberger pour la nuit...Viens, on y va!...Tout va aller bien, mon ange...pas de souci!

Au moins elle ne protesta pas, ce qui lui laissa faire des idées sur la véritable teneur de sa soi disant "petite" entorse. Convaincre le fermier de sa bonne foi tint du tour de force, compte tenu de son français massacré et son allure de rat noyé qui ne valait pas grand chose. Mais apparemment il restait encore des bonnes âme en ce monde cruel. Ils eurent accès à la grange.

La bonne chose est que le foin tient chaud...ce ne sera pas un lit de plumes pour Madame, mais c'est ce qu'on a de mieux pour le moment..., il l'installa avec moult précautions.

Fais pas cette tête Dave, et ne te crois pas obligé d’être une mère pour moi ; j’en ai eu d’autres, des bobos…  
 
M'en doute mais là, tu es sous ma responsabilité...Non, suis pas surprotecteur...je me fais de la bile, C'est mon bon droit non?...Là tu frissonnes...m'en vais demander des trucs secs à mettre..après tout on a assez d'or, ça doit bien servir à quelque chose...

Il n'eut pas besoin d'aller bien loin. La fermière et son mari s’amenaient pleins de bonnes intentions.

Faut excuser mon Ernest. On est d’ bons chrétiens. V’la d’la soupe bien chaude, du pain et un bout de lard. Dans le sac, il y a des couvrantes. J’vais attendre vos frusques mouillées et les mettre à sécher.

Patois épais. Il ne comprit pas la moitié du quart mais Nell, rieuse se chargea de l'éclairer.

Cette charmante dame veut admirer tes muscles ! Allez hop, à poil, Mr. Clayton!


Pas une idée à le faire sauter de joie mais enfin, faut ce qu’il faut et le moment se prêtait mal aux chichis. Sauf que bien sûr, la gentille fable du petit frère tomba à l'eau, ce cher Ernest faillit de fâcher d'avoir été grugé mais sa femme le prit avec bien plus d'humour.

Si j'ai bien compris...selon Madame on serait...enfin, qu'ils pensent ce qu'ils voudront...pas à dire, cette soupe a l'air fameuse...ouais, crever de faim me rend moins exigeant...faut dire, les français, ça sait vivre...il est pas mal ce vin...tu te sens bien?...Pas froid?...Pas trop mal?...

Mais oui, je vais bien. Ça tire un peu  mais ça ira. Demain, on reprendra la route, crois-moi.

*Petite crâneuse...*...Allez, essayons plutôt de dormir...

Facile à dire.
Nell n'avait rien d'une aguicheuse, c'était sûr mais, exprès ou pas, s'y prenait très bien pour le torturer très gentiment!

Nell, ma puce...dors!

Hein ? Tu dis quoi ?... je dors, fais-en autant.  

Elle était absolument impayable. Quand sa respiration  tranquille indiqua qu'elle dormait enfin, il prit la liberté de se pencher sur la dormeuse et lui effleurer les lèvres d'un baiser aussi bref qu'un soupir.

*Dieu, que je t'aime, ma Nell...mais suis à peu près sûr qu'une fois de retour...tu ne voudras pas de moi!*

Il ne dormit pas trop bien cette nuit là, enfoui, avec elle dans ses bras, dans un tas de foin.

Le lendemain, comme prévu, ils reprirent la route. Les  fermiers avaient eu le bon cœur de leur indiquer le chemin, en plus de leur fournir une musette de provisions .

On sera à Lyon demain matin!, ils auraient pu y être le soir même mais Dave aimait l'idée de prolonger un petit peu cette idée d’idylle campagnard. Il se sentait parfaitement heureux en la tenant contre lui, même si elle râlait poliment. Décidément Miss Watts n'était pas le genre de fille qui aimait se laisser chouchouter.

Dave, parle-moi de ta famille. Je t’ai déjà raconté la mienne, tu pourrais partager, non ? 

Petit rire amer.

Il n'y a pas grand chose à dire...on ne s'entend pas trop bien, déjà un début prometteur pour Dave qui n'aimait pas du tout parler de lui, pourtant il s'y prit assez bien, esquissant un tableau assez juste de son "adorable" famille, Père un brin tyrannique, mère plutôt indifférente, un frère imbu de soi, une jumelle envahissante, la seule qui lui méritait de la tendresse était sa grand-mère.

Ça fait quoi d’être célèbre ?

Bof...que veux tu que je te dise? Ça m'ennuie plus qu'autre chose...Oui, ma belle, pas plus que ça...sais pas pourquoi les gens pensent que du fait d'être célèbre, ta vie leur appartient...ben oui...suis sûr que ça ne t'attire pas le moins du monde...Nell...Nell bon sang...*Tu l'as assommée à force de raconter des conneries!*...Nell...

Ce n'était pas l'histoire de sa vie qui l'avait envoyée dans les vapes mais sa cheville qui offrait un aspect pas rassurant du tout. À grand mal grand remède, il sacrifia allègrement la botte, ce qui sembla beaucoup la soulager.

Vivement qu'on retrouve Martin...tu as besoin d'être soignée...

Mais il était écrit que ce ne serait pas de sitôt. À peine en vue de l'auberge  stipulée pour leur rencontre, ils assistèrent à l'arrestation de leurs amis.

Super...voilà les gendarmes qui les embarquent...Et qu'est ce que tu veux que je fasse? Ils sont au moins dix...et je ne suis pas la Captain America, moi...si on tire, ils nous descendent et je ne pense pas que ce soit de grande aide non plus!...Ben, sais pas...faudrait savoir où ils les emmènent...et tu t'y prendras mieux que moi...

Pas que cela lui fasse plaisir de la pousser à se mêler à la foule, mais définitivement, Nell pouvait  fondre dans le décor beaucoup mieux que lui.
Le résultat ne fut pas effarant, au contraire, ça frayait le tragique.

En prison pour y être interrogés...non, pas la joie...*Avec les méthodes de ces temps, tu me diras...* Ben faudra chercher le moyen de les en sortir...

Et aucun besoin de perdre du temps! Nell clopina de son côté et lui alla roder aux alentours de la prison.

Pendant ce temps le cher Majors était près de sombrer dans le désespoir le plus abject quand soudain, la tablette se réactiva de nouveau, ce qui évidemment signifiait que le Switch détenu par Toni n'était pas loin de la tablette en mains de Nell. Mais si la distance était moindre pas ainsi les murs de la prison...

Le hasard sait pourtant bien faire des choses, parfois. Dave désespérait quand descendant d'un élégant attelage, il aperçut son salut...ou ce qu'il y avait de plus ressemblant en ces instants incertains.

M. de La Fayette!!!

Sans doute cet illustre personnage n'était pas habitué à être hélé si cavalièrement et encore moins par un américain en plein émoi...pas à Lyon, en pleine nuit. À 34 ans, il avait déjà une bien nourrie feuille de service et avait une plus que certaine sympathie pour les États Unis d'Amérique dont il avait si bien défendu la cause indépendantiste.

Et Dave joua à fond sur tous les registres, plaida sa cause avec passion et finit par éveiller compassion et intérêt. Le grand homme alla donc aux nouvelles, suivi de près par son américain dépassé. Comme on pouvait s'imaginer, il n'y avait pas trop de quoi se réjouir, les charges pesant sur les détenus n'étant pas des moindres.

QUOI?, s'outra Dave, mouillés dans le complot d'évasion de la famille royale? Absurde...voulez vous me dire qu'est ce qu'on à faire avec ça? Si ça ne tenait qu'à moi, vous pouvez couper la tête de qui vous voudrez...mais mes amis n'ont rien à voir dans tout ça...

Je voudrais bien vous être de plus d' utilité, mon ami...mais là, l'affaire est grave...Ils seront transférés à Paris, demain de très bonne heure...on verra ce qui s'en suivra!

*Ouais, têtes au panier...mais merci de l'info!*

Nell avait activement œuvré de son côté et réuni, ni plus ni moins, qu'un groupe de royaliste convaincus, prêts à tout pour aider ces héros qui avaient risqué leur vie pour sauver le Roi et les siens!

Et ce qui devait être fut! Quand  les frais évadés se furent entassés à la comme on peut dans la berline, Dave joua du fouet de cocher et les chevaux s'élancèrent. La distraction créée par leurs complices agit à merveille. Majors lui, réussit le miracle demandé...

Le bel équipage lancé à toute vitesse dans cette route de campagne où, Dieu merci, la circulation brillait par sa presque absence, dévala encore une bonne centaine de mètres avant de pouvoir s'arrêter.

Je reconnais la route...là, on a la rivière...là-bas...on peut voir Boston...On a réussi...on est rentrés!!!

Une voiture freina à leur hauteur. On les salua allègrement...Dave crut reconnaître deux Draculas, un Napoléon chétif et un ET en conducteur, de quoi s demander s'il n'était pas tombé sur la tête ou avait atterri a une époque totalement décalée.

Ben dites donc vous...avez fait fort pour l'effet...superbe carrosse...ça fait vraiment d'époque...vous allez au défilé? Ça va faire des envieux!, rigola ET.

Ah bon?
, il devait avoir un air décidément paumé de chez paumé, sais plus...je crois qu'on s'est gourés de chemin!

Indications à la clé, rigolade générale.

Joyeux Halloween...on se voit plus tard....on saurait pas vous rater!!!

Pour la discrétion on y repasserait, leur singulier équipage attirait l'attention de tous mais ils n'avaient qu'une envie...rentrer à la maison!

On aurait remporté le premier prix, assura Dave, mais, sais pas toi, je n'ai qu'une envie et c'est rester deux heures sous la douche!...On est là...Tiens donc, les travaux ont bien avancé...la maison d'Henry en a, de l'allure..., il retint doucement le bras de Miss Watts, tout aussi ravie que lui de rentrer au bercail, Nell...ma chérie...rien ne change, ok?...C'est pas parce qu'on est rentrés que..

Mais déjà leurs passagers quittaient la berline à grand renfort d'exclamations, rires, commentaires divers, John Majors sortait de la maison, suivi d'Oscar qui ravi de l'aubaine jappa de bonheur avant de se lancer dans la mêlée. Faute de mieux, il sauta à terre et cueillit sa belle pour la déposer en toute douceur sur le gazon.

Vais aller garer ce machin..., marmonna t'il en voyant Majors prendre la situation en main, même s'il aurait voulu lui dire de s'occuper des chevaux.

Il n'avait pas trop fière allure, M. l'informaticien diplômé du MIT, maigre, hâve, avec une barbe de quelques jours mais l'air si franchement  heureux qu'on pouvait s'en attendrir. IL pleurait presque, Majors, en serrant, contre tout protocole établi, cette chère Louise dans ses bras pour acte suivi faire de même avec Nell, avec un peu trop de chaleur, à l'avis de Dave qui faillit oublier chevaux et berline.

Allez...on se calme...on rentre...pas besoin de se donner en spectacle!...Oui, Henry tout va bien...bas les pattes, Oscar...tu effrayes les chevaux!

L’intérieur de la maison avait connu d'agréables changements, pas à dire. Majors tout content les informa sur les quatre salles de bains performantes et la nouvelle cuisine, plus d'autres détails qu'on découvrirait plus tard.

Nell sortait de sa chambre, frais douchée, sa cheville bien pansée par les soins du Dr. Lescot. Il avait eu aussi droit à une délicieuse douche revigorante qui avait effacé tout effluve de siècles passés.

Ça va?...ouais, claqué mais propre...t'as faim? Moi aussi...on va se payer un festin de pizzas 21ème siècle...Tu sais...j'ai beaucoup aimé nos aventures...ces derniers jours...surtout..., il faisait sans doute de la peine à voir, farfouillant comme un ado timide, ce que je veux dire Nell...est que..., il lui flattait la joue faute d'argument plus consistant,...je t'aime!

Il parvint tout juste à l'embrasser, mais cela ne dura qu'un instant, Henry déboulant dans le couloir avec l'efficacité patentée d'un char d'assaut. Il passa de large en disant n'importe quoi mais la magie du moment avait volé en éclats.

Bon...on se retrouve en bas, ok?, comme s'il y avait 36 endroits où aller,...vais passer du plus habillé, et de filer en se taxant d'idiot perdu.

Martin se trouvait dans leur chambre, tournant en rond comme qui cherche explication à quelque mystère universel.

Tu te sens bien, mon vieux?...Ah bon? Tu ne piges pas grand chose...Ah, Toni...ma foi si tu le dis...Non, non...Nell et moi...c'est euh...comme toujours...enfin, sais pas trop rien non plus...Bien sûr qu'elle me plait...elle est géniale...Ah Toni aussi...excuse moi, mon pote, on a l'air décidément fins là...plus bêtes que ça, tu meurs!

Et du coup, un pincement de nostalgie pour ce siècle passé, le fit se sentir misérable et malheureux...
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Qu'on lui coupe la tête...  Empty
MessageSujet: Re: Qu'on lui coupe la tête...    Qu'on lui coupe la tête...  EmptyLun 23 Mai - 14:50

Après avoir supporté un roi qui refusait de ne plus en être un, résisté à des méduses et à des malandrins, Toni et Martin ne souhaitaient qu’une chose : la paix.  Ils pensaient l’avoir trouvée en rejoignant l’auberge prévue où les attendaient leurs compagnons aux aventures pas piquées des vers. Même si le lieu de rendez-vous était censé sécurisé, la méfiance restait de mise. On murmura des confidences tout du long dans la minuscule piaule louée par Henry et Louise. Le brave Warrington avait dû subir son premier massage chinois… il se portait maintenant comme un charme et ne pensait qu’à manger. Dans le fond, pourquoi pas ? Les provisions de T_M ayant été assez monotones en variété, Martin fut plus que satisfait par la table du Lion d’or. Toni qui, même si elle pratiquait un meilleur français qu’au départ, avait du mal avec le patois local ne s’empêcha pas de se débrouiller pour glaner de nouvelles recettes de cuisine à mettre à son répertoire.  
 
*Dommage que le café ne soit pas encore très répandu à cette époque…*
 
En effet, ce breuvage prisé par Martin en conclusion d’un bon repas ou en début de journée ne verrait son expansion qu’une bonne vingtaine d’années plus tard. Pas de thé non plus. Par contre, leur anisette valait le détour et, mine de rien, le vin était corsé.  
Ils étaient donc tous un peu éméchés et joyeux après ces agapes quand l’atmosphère vira à l’orage.  
L’irruption de la gendarmerie nationale, avec eux en point de mire, rien que ça !  
Aucun ne se démonta, prétendant mordicus n’être que des touristes, en quelque sorte.
Grâce à Henry, ils purent récupérer leurs effets personnels dans la chambre et, surtout, régler leur addition.
 
*Ils ne veulent pas se mettre à dos les honnêtes commerçants…*
 
Escortés comme il se doit pour des suspects, les quatre amis furent menés au poste de police principal. En chemin, plusieurs plans germèrent dans la tête de Martin. Fausser compagnie en essuyant quelques balles ? Pas bon. Autant signer des aveux de culpabilité.  Jouer les ignorants ? Tout dépendait de ce que les autorités savaient. Que savaient-elles au juste ? Ils avaient été dénoncés, plus clair que ça tu meurs. Par qui?  De Bourcet était le principal suspect aux yeux de Lescot. Personne n’encadrait ce type surtout depuis qu’il les avait envoyés direct dans un piège au chat bleu.  
 
*Pour se couvrir, ce mécréant ferait n’importe quoi…*  
 
 Combien de ruelles et avenues foulèrent-ils avant de se retrouver en cellule ? Martin, en pleine réflexion, n’avait pas compté ni repéré les environs, à quoi bon ?   
Ils avaient marché droit, tout du long ou presque. En prenant une main tremblante, il souffla :
 
Toni, retiens ça : on est innocent, Man ist unschuldig, ok, touristen ?
 
CESSEZ ! beugla un des gardes.
 
La crosse d’un fusil lui entama la pommette. On se tint à carreau.  
 
À leur arrivée derrière de lourdes portes, on s’ameuta. Des hommes rectifièrent aussitôt leur attitude et leur tenue en laissant cartes et pipes sur place. Le chef de leur expédition réclama :
 
En cellules séparées ! Prévenez le commandant que la chose est faite.  
 
Avec un regard se voulant insuffler du courage à Toni, Martin se vit propulsé dans un réduit puant aux barreaux solides. Pas de couchette, pas de paillasse, juste une cruche, un pot à déjections, sans doute des rats quelque part ainsi que puces et cafards. L’attente fut de courte durée, heureusement…
 À peine le temps de s’accroupir dans un coin en s’inquiétant sur le sort des filles qu’on l’empoignait manu militari :
 
Viens par-là, blondin. Le commandant veut te causer.  
 
De sa vie, Martin n’avait été arrêté. Il n’avait eu affaire à la police que pour déclarer des incidents mineurs dont il était plus témoin que victime, encore moins coupable.  Ici, rien à voir avec ce qu’il connaissait, même en film. En décor une table bancale avec de la paperasse éparse, deux tabourets –un de chaque côté - un petit gars à veste dorée, deux matons patibulaires.  Le galonné le toisa des pieds à la tête avant d’aboyer :
 
Assois-toi, citoyen.  
 
Prudent, Martin s’exécuta, tendu néanmoins.
L’autre farfouilla- ou fit semblant- dans ses dossiers :
 
Martin Lescot, médecin anglais parlant parfaitement le français. Tu comprends donc tout ce que je dis.
 
Martin voulut l’ouvrir, l’autre le stoppa d’un geste :
 

Nos rapports indiquent que toi et une complice avez désertés Paris avec un colis très particulier. Tu confirmes ?
 
Si vous appelez des pommes pourries à évacuer colis particulier, c’est vrai 

 

Ne fais pas ton malin. Je veux des noms, des dates, des lieux ! Où avez-vous déposé le roi ? Quand, qui vous a aidés ?
 
Le roi ? Ma tête à couper, ma femme et moi n’avons conduit que des pommes pourries.

 
TU TE MOQUES ? Des pommes jusque Marseille ??
 
Ben, puisque tu sais où nous allions, pourquoi demander ?
 
L’aplomb marqué décontenança quelque peu le questionneur qui se reprit très vite :
 
Explique-moi ce qu’un médecin étranger faisait sur nos routes avec des pommes ?
 
Excellente question, bravo capitaine ou commandant, ou que sais-je de votre grade et appellation. Je m’ennuyais à Paris. Une occasion de voyager différemment s’est présentée alors, avec ma femme, on s’est dit : pourquoi pas ?  Appelez ça du tourisme aléatoire…
 
Hein ?  Tourisme ? Qu’est-ce ?  
 
Une façon de voyager sans but précis. Ton Pays est si beau, on voulait en profiter. Pourtant, Marseille n’est pas ce que l’on vantait ! C’est sale, bourré d’engeances douteuses. On s’est baigné. L’eau est très bonne. On a ensuite rebroussé chemin, voilà tout.  
 
En ce moment-même, ta femme est aux mains d’autres de mes hommes. Tu chanteras peut-être un air différent si on la soumet à la question…  
 
Dans la tête de Martin défilèrent des images horribles avec membres broyés, noyades, perforations diverses. Il crut devenir fou mais crâna :
 
Elle n’entend pas le  français. Si elle avoue, ce sera n’importe quoi. Vous ne comprendrez rien de toute façon. Nous ne sommes que des touristes ayant croisés d’autres touristes au Lion d’or.  Allez-y, torturez-moi, vous en mourrez d’envie.
 
Pas toi. Elle ! Devant elle, tu causeras. Si pas toi, tes amis le feront !  
 
Poussé rudement, Martin suivit le mouvement imposé. NON ! Dans un cercle de tourmenteurs, Toni était sans défense, écartelée sur une planche, des instruments barbares prêts à remplir leur sinistre office. À ses côtés, dans la même position précaire se tenait Louise. Martin percuta un Henry aussi livide que lui. Un regard s’échangea. Le tout pour le tout ???
 
Alors messieurs, voir vos dames en situation ne vous délie pas la langue ? ironisa méchamment l’officier.
 
Martin déglutit :
 
Nous… nous ne sommes que des touristes…
 
Le roquet semblait vraiment s’amuser, lui. Il leva la main, prêt à jeter un ordre d’action quand une porte s’ouvrit à la volée.  Un haut personnage en perruque poudrée déboula :
 
Que se passe-t-il donc ici ? tonna-t-il.  
 
Monsieur le Marquis, bava l’autre soudain révérencieux, nous appliquons la procédure pour faire avouer leurs agissements à de hauts suspects dans l’enlèvement de la famille royale. D’ailleurs l’une d’elle est sûrement autrichienne…    
 
BALIVERNES ! Ces gens sont innocents ! Je viens à l’instant de m’entretenir avec un de leurs amis très convaincant.  L’inquisition est derrière nous ! Relâchez ces femmes sur le champ.  
 
Avec tout le respect que je vous dois, Marquis, ces gens restent sous ma garde. Les accusations sont précises : on les transfèrera à Paris, demain.  
 
Soit ! Mais qu’ils soient en état devant leurs juges sinon vous m’en répondrez personnellement.  
 
Le militaire sortit, sans doute dépité mais, au moins, il avait épargné des supplices inutiles à son sens.
Parqués dans la même geôle, cette fois, les quatre suspects purent se réconforter mutuellement.  
Difficile de rigoler dans un tel cas. On se groupa les uns contre les autres, en murmurant :
 
Dave et Nell sont dehors, eux, tenta Martin pour rallumer l’espoir.  Ils attaqueront le convoi, vous verrez…  
 
Nul n’objecta quoique la conviction n’était pas gagnée. Soudain, sans crier gare, Louise se sentit mal. Aussitôt Martin fut en alerte, et dans la lueur jaunâtre d’une bougie de mauvais suif, tenta de comprendre ce qui se passait. Il dut pousser Henry qui s’affolait afin de d’accéder à l’agent du FBI en complète… comédie. Aux quelques mots qu’elle lui souffla, Martin pigea.
 
C’est une crise de haut-mal ! Gardien, gardien !!
 
Il tambourina la porte bouclée en gueula, Henry et Toni mettant du leur aussi.
De mauvais poil, la faction entrouvrit le grillage du haut de la porte :
 
Qu’est-ce ce raffut ?
 
Ma tante est très malade. Il me faut mon sac. Je suis médecin… les potions sont dedans, vite, s’il vous plait…
 
 Le spectacle entrevu dans la cellule ne laissa pas de doute au crédule : quelque chose allait très mal là-dedans. On avait ordonné de ne plus les maltraiter, donc il courut. Le sac du médecin, c’était lequel ? Il n’en avait aucune idée et rafla les quatre qu’on avait laissés dans l’entrée sans en vérifier le contenu. 
Il ne revint pas seul. La porte s’ouvrit largement cette fois. On leur jeta leurs effets et surveilla tous leurs gestes. Vive la pénombre et les tortillements de Louise. Aucun garde ne vit réellement ce que nos amis prirent dans les sacs.
 
Buvez Louise… ( c’est de l’eau de vie, murmura-t-il à la patiente) Henry force la mâchoire, Toni maintient son buste…
 
Lentement, les soubresauts s’atténuèrent. Rassurés, les gardes les laissèrent auprès de l’allongée.  
 
Merveilleux ! fit Martin. Maintenant, nous sommes armés. Ces idiots n’avaient pas contrôlé.

Maintenant, il suffit d’attendre le transfert.

 
La nuit fut courte. Entre la turne minuscule du lion d’or, cette cellule était un peu plus vaste mais glaciale. On leur avait jeté des couvertures dont le chien de Dave n’aurait pas voulu. Sûrement pleines de vermine, on s’abstint de les utiliser. Martin osa proposer la chaleur de ses bras à une Toni qui claquait légèrement des dents tandis qu’Henry faisait de même avec Louise.  
Peu habile avec les discours, sauf avec ses patients, Martin tenta de trouver les mots justes à l’oreille de la demoiselle échouée contre lui :
 
On va s’en sortir. On a déjà reçu l’aide de La Fayette, c’est un signe… euh ? Le destin ? J’y crois mais pas plus que ça… suffit parfois de le faire tourner à son profit… On va essayer de le forcer dans le bon sens en créant la surprise. Essaye de dormir un peu. Une veine qu’on ait fait bombance ce soir, même pas un cruchon d’eau mais on peut achever l’eau-de-vie, si tu veux ?
 
L’aube grise se levait à peine que les gardes entrèrent les déloger sans ménagement.  Un instant, Martin craignit qu’on ne leur pose des fers mais rien de la sorte ne se produisit.  Une espèce de panier à salade antique les attendait tandis que la lourde grille de la cour se relevait en grinçant.  
C’était le moment ou jamais :
 
NOW ! cria Lescot.  
 
Chacun bouscula le garde dont il était flanqué et on se mit à canarder sans viser vraiment.  Henry tirait en l’air par sécurité pour ses amis. Louise atteignit des épaules ou des jambes sans faillir.  Sans doute fut-ce là le plus beau sprint de leur vie. Tous vers la grille à demi relevée.  De l’extérieur vint une riposte dont les pétarades n’avaient rien de commun avec les fusils ou pistolets d’époque.
 
DAVE !!!
 
Un peu plus loin :
 
ICI !!
 
 Pêle-mêle, on s’entassa dans la caisse de l’attelage dont Clayton prit les rênes.  
 
 Ça va ? Tout le monde va bien ? chevrota Martin secoué autant que les autres par les chaos des pavés… je sais pas, mais celui qui conduit va nous tuer à ce train !  

 
Bing à gauche, vlam à droite. Impossible de s’asseoir correctement. On se tamponna les uns les autres en grommelant puis, brusquement, le calme…  
Un cri s’éleva côté cocher :
 
On a réussi !  
 
Du coup, chacun voulut passer sa tête échevelée aux fenêtres. Avec des yeux exorbités, Martin vit passer près d’eux un véhicule bourré d’êtres étranges mais, ouf, il ne s’agissait que d’un défilé d’Halloween.
On en rit tout du long du trajet qui les ramena au pas vers la maison de Henry.  
Galant, Martin offrit sa main pour aider Toni à descendre sur le sol de l’Amérique du 21ème siècle. Elle rayonnait de plaisir, sa « femme ».  Un gentil sourire, un clin d’œil et elle lui tourna le dos pour s’engouffrer dans la maison enfin restaurée.  Peut-être un peu dépité, Martin pensa d’abord vérification des santés. Il n’avait pas raté la prévenance de Dave vis-à-vis d’une Nell qui boitait bas.  
 
Merci, Johnny, tu nous sauves la vie. Allez, tous, on se décrasse puis inspection générale !
 
Henry, le premier à se présenter à l’injonction grommela beaucoup, Louise moins, Toni pas du tout. Elle fuit pourtant son regard, prétendant qu’il puait encore le 18ème siècle.
 
Je n’ai pas encore eu le temps voulu pour tout laver. Laisse-moi désinfecter ça, d’abord…
 
Ecorchures, hématomes sous contrôle, Nell fut le cas le plus sévère. Sa cheville était moche. Il y plaça un solide bandage, recommanda des béquilles, donna un anti inflammatoire en insistant que, si toujours enflé le lendemain, une radio serait nécessaire.
Enfin, il put se délecter d’une longue douche avec vraie mousse. En peignoir de bain, il n’attendait plus que Dave sous son stéthoscope.
En l’expectative, Martin ne put s’empêcher de réfléchir à sa situation avec Toni. Bon, c’était prouvé, il était nul en sentiments, n’empêche que...  Il ne comprendrait jamais le femmes, sans doute. Dave s’amena enfin. Il avait une drôle de tête, la même que lui apparemment :
 
… c’est à moi plutôt de te demander comment tu vas. Ôte ton peignoir, je dois vérifier la suture…
 
Tout à son examen, le docteur lâcha quelques confidences :
 
… Toni me turlupine. C’est idiot… Un jour, c’est quasi je t’aime, le lendemain, t’es qu’un vague pote… et Nell ?? …
 
Martin soupçonna Dave d’être plus mordu que prétendu. Il n’insista pas :
 
Ta plaie est propre, tu guéris vite. Si tu es d’attaque j’ôte ce fil de couturière… bonne idée de le revendre ( rires). Annonce sur Ebay : fil garanti de la révolution française !   
 
Ils se marrèrent pour oublier leurs tracasseries puis, la minime intervention effectuée, on s’habilla décemment.  
Jamais Martin n’avait prêté attention aux évolutions de la mode qu’elle soit féminine ou masculine. Là, il prisa hautement le confort d’un jeans propre avec chemise, sweat et baskets. Faudrait qu’il passe chez le coiffeur aussi…
Avec le menu prévu, commandé en express, l’ambiance aurait dû être déjantée. Qu’y a-t-il de meilleur que des pizzas et des hamburgers-frites additionnés de vins ou bières convenables ? Henry faisait manifestement des efforts de civilité en raison de la présence de Louise sinon il aurait couru dans son labo voir ce qu’y avait trafiqué Majors. Même chien et chats furent de la partie. Pour briser une certaine gêne ou une gêne certaine, le professeur se lança dans ses récits épiques. Chacun y mit du sien avec plus ou moins d’entrain. Johnny avoua :
 
J’ai cru devenir fou.  J’ai travaillé d’arrache-pied pour vous ramener d’une pièce !  Je crois qu’enfin, cette nuit, je vais dormir plus qu’un loir. Vos aventures sont extraordinaires !
 
On se narra sans trop fanfaronner sur son rôle personnel.  
 
En tout cas, ajouta Majors décidément en verve après n’avoir pu causer qu’avec des animaux :
 
Je pense avoir résolu le timing.  Il ne faut pas en rester là, professeur Warrington… Henry.  Il y a tant à explorer !  Quels sont vos projets ?...  
 
Parfois des anges passent, des troupeaux aussi…  Des regards s’échangèrent, d’autres se fuirent.
 
Je comprends que vous ne vouliez pas repartir de suite, s’empressa Majors. D’ailleurs de nombreux point doivent être confirmés ou améliorés par Henry mais ce serait bête de ne pas poursuivre…  
 
Martin soupira et se leva :
 
On en reparlera mais moi, je suis claqué. Bonne nuit  à tous.
 
Clayton ne tarda pas à le rejoindre dans la chambre partagée. Il s’affala sur son lit et demeura muet jusqu’à ce que Martin ose :
 
Tu as fait quoi à Nell pour qu’elle soit si… lointaine… QUOI ??? Eh bien, tu m’épates, mon vieux… au moins, elle ne t’a pas giflé, tous les espoirs sont permis !... Moi ? Je vais tourner la page. J’ai suffisamment été échaudé, je passe mon tour… non, je ne dis pas que je ne voyagerai plus avec vous, mais… j’aime la stabilité, moi !... Toni ? C’est un yoyo. Un mignon yoyo, gentil tout plein, maligne, stupéfiante mais… yoyo quand même…  Quoi faire ? Je sais pas… Tu crois que l’on peut dégotter du boulot dans le coin ?... Pourquoi tu te marres ?... je n’ai pas dit non plus que je n’aimais pas l’action, au contraire.
 
Il parla encore pas mal mais Dave roupillait déjà ou n’écoutait plus. Lui ne sut qu’à moitié fermer l’œil. Une présence lui manquait affreusement pour qu’il soit en paix.  
 
Au petit déjeuner en commun, des déclarations s’émirent…   
 
*Ils en ont des têtes…* songea Martin sans penser à la sienne offerte.
 
Henry, puisqu’il était leur hôte, s’exprima en premier. Comme tous s’y attendaient plus ou moins, il escomptait perfectionner son invention et, sans le dire vraiment, espérait que le groupe accepterait de partager son œuvre.  
 
Bien sûr Henry ! On va te suivre, t’aider... du moins si Mrs. Stark, Louise…
 
*Ce Johnny…*
 
Nell avait eu si mal de la nuit ? Ses yeux étaient bouffis comme ceux d’une insomniaque, ou du moins de quelqu’un en souffrance. Ce qu’elle déclara en fit pâlir un en particulier de l’entourage. Martin se leva :
 
Je t’amène à l’hosto, tu feras ce que tu veux après. C’est sans discussion. Pour ma part, je déteste rester bras croisés. J’attendrai les résultats des mises au point, mais vais me trouver un job.
 
Les décisions suivantes n’étonnèrent personne sauf peut-être Martin vis-à-vis de Toni.  
Ce qui était clair c’est qu’ils iraient à quatre à l’hôpital, par solidarité.
Le CHA n’était pas très loin. Ils s’y rendirent en 10 minutes dans un silence religieux.  Là, Dave courut chercher une chaise roulante tandis que Martin flanqué de Toni allait parlementer aux admissions.  Comme il fallait s’y attendre, malgré sa carte professionnelle, Martin n’obtint aucun passe-droit. On fit donc la queue dans une salle bondée de patients en maux divers. Involontairement, le docteur Lescot tria mentalement les cas à proximité :
 
*Banale brûlure… aurait besoin d’une suture… mauvaise toux… foulure…*
 
Une heure passa à ronger son frein avec l’envie furieuse d’accélérer les choses. Des magazines étaient proposés à tromper l’attente, Martin interdit à quiconque d’en prendre un :
 
C’est bourré de saletés, ces trucs, souffla-t-il à ses amis peu loquaces. Il y a sûrement une librairie dans un coin…
 
Dave et Toni allèrent quérir de quoi lire puis, les miracles existant, un gars en blouse suivi par un petit troupeau d’étudiants traversa la salle en coup de vent. Il s’arrêta soudain, interdit :  
 
Martin ? C’est toi, mon vieux ? Qu’est-ce que tu fous ici ?  
 
Je te retourne la question Jean-Michel !
 
 Incroyable ! Là, lui flanquant une bourrade à assommer un bœuf se tenait un vieux copain de fac perdu de vue depuis des lustres. Il aurait été tentant d’évoquer des souvenirs communs, mais…
 
Ton temps est sûrement précieux, Jeanmi, mais j’ai là une amie à qui il faut une radio de la cheville. Si tu pouvais…
 
Moins de cinq minutes plus tard, on vint embarquer Nell à qui Martin emboîta les roues non sans jeter aux autres :
 
Je reviens dès que je sais quoi !  
 
Le chirurgien orthopédiste leur passa un énorme savon quand il examina les clichés.  Nell conduite en salle d’op, il ne resta plus à Martin que d’aller annoncer la couleur à ses amis anxieux :
 
Ça va aller ! Cela aurait pu être pire. Ils l’ont endormie pour replacer les os et elle aura un plâtre pendant 1 mois, au moins. Ensuite, on verra…  
 
Dave semblait culpabiliser. Martin se montra conciliant :
 
Au moins, elle ne pourra courir nulle part avant un bon bout de temps. Sauf qu’elle va râler, le plus sûr !  
 
On en rit, que faire d’autre ?  
 
Comme de juste, une Nell rageuse les rejoignit bientôt avec un splendide plâtre allant du dessous du genou aux orteils.
 

T’en fais pas, tu peux plier le genou et mettre du vernis à ongle, mais pas d’appui dessus du tout, ok ?

Vous la raccompagnez ? Je déjeune avec mon copain, je rentrerai à pied. À tout à l’heure !  
 
Ce fut un repas expéditif mais productif. Outre quelques bonnes blagues de potaches et se raconter un peu, on échangea pas mal de trucs. L’affaire demanderait du temps mais avec copie de ses diplômes, un examen de conformité, un peu de fric, s’il le voulait Martin exercerait légalement aux USA. En attendant, il pouvait filer des coups de main gratos aux dispensaires dont Jean-Michel Mortier lui fila les adresses.  
Très joyeux, Martin retourna chez Henry. Ce dernier était au bunker avec Johnny, évidemment. Du jardin parvenaient quelques rires joyeux vers lesquels il se dirigea.  Dave et Toni jouaient au ballon [url=#_msocom_1][U1][/url]    avec Oscar non sans laisser Nell en dehors des relances.
 
Salut ! Je peux participer ?
 
On ne le rejeta pas, et s’amusa pas mal. Entre deux lancers au chien ou à un ami, Martin relata le résultat de ses démarches qui furent acceptées de façon mitigées. Ne sachant trop comment prendre ces réactions, il dit très vite :
 
Mais je reste dans le coup ! Je ne presterai que les matins *En principe*  
 
Dave le félicita de son initiative avouant ses propres projets. Martin essaya bien d’obtenir une approbation de Toni mais elle préféra écourter le jeu et rentra tandis que Dave donnait ses béquilles à Nell.  N’ayant rien de spécial à faire, Martin erra un peu avec Oscar, allant voir si les chevaux allaient bien. Qu’allait-on faire de cet attelage ?? On verrait bien. Quand il rentra, Louise cuisinait pour le dîner. Il se proposa en coup de main et se débrouilla sous les directives de Mrs. Stark.  Finaude, elle avait pigé plus que ce que l’on aurait cru. La question, néanmoins, le prit au dépourvu alors qu’il coupait des tomates :
 
… Toni ? Quoi, Toni ?... lui parler de quoi ?... ah… Je ne sais pas Louise, vraiment pas à quoi m’en tenir avec elle. Je l’aime beaucoup, trop sans doute… des fois, je me dis que c’est partagé, l’instant d’après, elle me claque la porte au nez… je devrais faire quoi, à ton avis ?...  
 
Sagement, il écouta les conseils…      



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